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Les musardises de ParisiAnne

Les musardises de ParisiAnne

Culture, littérature et découvertes. © Les musardises de ParisiAnne


Collaboration,

Publié par Parisianne sur 25 Février 2013, 08:07am

Catégories : #theatre

C'est au théâtre de la Madeleine que je vous invite aujourd'hui, un théâtre comme on les aime avec ses velours, ses boiseries et son grand rideau rouge ; un théâtre avec balcon et orchestre, où il fait bon se glisser pour s'évader l'instant d'une représentation. "S'évader" n'est peut-être pas le terme le plus adapté pour le thème de la pièce à l'affiche en ce moment, si je l'emploie c'est uniquement pour signifier l'arrêt du temps que procure une représentation théâtrale en particulier lorsque la pièce et les acteurs qui la font vivre nous procurent un moment d'émotion et de plaisir intense.

Collaboration. Un texte de Ronald Harwood, traduit en français par Dominique Hollier, dans une mise en scène de Georges Werler nous montre la rencontre de deux hommes célèbres pour une collaboration artistique, deux hommes dont la vie sera bouleversée par leur collaboration dans un contexte politique où tout les oppose !

Richard Strauss, interprêté par Michel AUMONT,
Stefan Zweig par Didier SANDRE.
Pauline Strauss, Christiane Cohendy ; Lotte, Stéphanie Pasquet.
Hans Hinkel, Eric Verdin ; Le Directeur de l'opéra, Armand Eloi
L'huissier, Patrick Payet

*****

1931, Richard Strauss et son épouse Pauline vivent à Garmish, en Allemagne. Le poète Hugo von Hoffmansthal, avec lequel Strauss travaillait, est décédé, le musicien traverse une crise artistique et ne parvient pas à composer l'opéra qui l'étouffe. Sur les conseils de Pauline, il demande au célèbre écrivain Stefan Zweig de lui écrire un livret. C'est ainsi que les deux grands hommes au faîte de leur gloire se rencontrent. Ils ont l'un pour l'autre une très grande admiration et très vite leur implication dans leur travail se transforme en véritable amitié.

Strauss, indifférent à la politique se pense intouchable malgré les menaces croissantes du régime nazi. Zweig au contraire a senti très vite le danger et semble beaucoup plus lucide que son ami. Malgré ce contexte, leur collaboration aboutit à l'écriture d'un opéra bouffe inspiré de Ben Jonson, La Femme silencieuse, qui rencontrera un vif succès lors de la première à Dresdes en 1935, en l'absence de l'écrivain. Le nom de Zweig supprimé des affiches, Strauss obtient qu'il soit remis ce qui déplaît fortement au régime. L'oeuvre ne connaîtra que trois représentations, elle présente un inconvénient majeur, le livret a été écrit par un juif " désagréablement doué " aurait dit Himmler.

Richard Strauss, nommé Président de la Chambre de Musique du Reich, refuse cependant de renoncer à travailler avec son ami qui ne se remet pas de l'autodafé de son oeuvre. Une lettre du musicien interceptée par la Gestapo lui vaut des menaces pour sa belle-fille, juive, et ses petits enfants. Il se trouve malgré lui contraint à une collaboration avec le régime qui lui demande un hymne pour les jeux olympiques de 1936 à Berlin.

La tension est à son comble pour les juifs, Stefan Zweig finit par quitter l'Autriche puis l'Europe. Son errance le conduira finalement au Brésil où il se donnera la mort avec sa seconde épouse, Lotte, le 22 février 1942.

Richard Strauss quant à lui, passera devant un tribunal de dénazification ; sans avoir pourtant jamais fait allégeance au régime d'Hitler, il est accusé d'avoir participé activement à la création artistique de son pays.

****

Si la montée du nazisme et les prémices de la persécution des juifs sont présents dans cette oeuvre, ce sont avant tout la création artistique et la collaboration entre artistes qui sont ici présentés. Le texte joue habilement sur ce mot aux multiples sens, "collaboration", le prenant dans toutes ces acceptions, des plus nobles aux plus viles.

Porté par de grands acteurs, le texte vit pour nous et nous interroge. Qui collabore finalement ? Strauss qui sans soutenir le régime n'en accepte pas moins de créer pour lui ou Zweig qui se donne la mort pour échapper à la réalité ?

Michel Aumont en Richard Strauss d'abord sûr de lui et conscient de sa renommée, tout en étant impressionné par l'écrivain qu'il n'ose pas contacter, porte avec le talent qu'on lui sait ce rôle fait d'enthousiasmes et de colères, de volontés et de renoncements, jusqu'à la chute. Michel Aumont ne campe pas seulement un personnage mais une personnalité.

Un final émouvant met face aux spectateurs, comme devant un tribunal, l'homme vieilli, brisé par le temps et l'époque,  mais encore capable de colère à l'encontre de  son ami qui en se donnant la mort a ajouté un nom de plus aux victimes du régime.
A ses côtés, comme à chaque instant, son épouse Pauline, le tient et le soutient. Christiane Cohendy apporte dynamisme et enthousiasme à ce personnage de maîtresse femme assumant jusqu'au bout ses opinions. 

Aux côtés de Richard Strauss/Michel Aumont, Stefan Zweig/Didier Sandre paraît plus sensible, plus torturé ; bien que mondialement connu et reconnu, il doute en permanence et travaille sans cesse.

Didier Sandre nous offre un Zweig tout en finesse et subtilité, en silences et en intériorité et cela très naturellement. A ses côtés, la jeune Lotte (Stéphanie Pasquet) le suit comme son ombre, jusqu'au renoncement final.

La musique bien sûr est présente tout au long de la pièce, entre chaque tableau. La musique de Strauss en alternance avec la musique des mots et des émotions. Et c'est finalement l'art qui est au centre de tout, la création artistique qui fait écrire à Richard Strauss sous-entendant qu'il n'y a ni religion ni race, qu'il n'existe que deux catégories de gens : ceux qui ont du talent, et ceux qui n'en ont pas. "Mozart composait-il en aryen ?  ".

Et la pièce dont l'atmosphère s'est alourdie au fil des années parcourues dans chacune des séquences s'achève sur un questionnement :  Que doit faire un artiste ? Créer à tout prix ou se dérober ?

 

 

 

 

 

©BernardRichebe
©BernardRichebe
©BernardRichebe
©BernardRichebe
©BernardRichebe

©BernardRichebe

Merci à Xavier pour ces très belles photos de Bernard Richebe

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C
Merci pour la présentation et pour l'extrait vidéo, c'était très intéressant.
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Q
Ma prochaine pièce, je la verrai à Bordeaux, bientôt.<br /> <br /> ... et en attendant je me suis régalée de ce partage... Merci pour la découverte, pour les mots et les images.<br /> <br /> Passe une douce soirée.
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J
Bonjour Anne ! Pas l'occasion de voir des grands comédiens au théâtre car il n'y en a pas chez moi.... juste deux troupes amateurs patoisantes en MJC ! La grande ville a ses avantages culturels.... Merci.... Bises de jill
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E
Oh oui, j'aime beaucoup le théâtre et autant Ita L. que Collaboration me tentent, mais je ne parviens pas à dégager la disponibilité nécessaire...<br /> La lecture de tes excellentes notes me font pourtant bien envie.<br /> <br /> Pour l'heure, je vais finir la lecture du récit d'Emmanuèle Bernheim, &quot;Tout s'est bien passé&quot;.<br /> <br /> A bientôt Anne.<br /> eMmA
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E
De fil en aiguille, c'est vers les photos de Bernard Richebé que mes clics m'ont conduite...<br /> Magnifique !
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P
En vrai c'est encore mieux eMma, crois-moi ! <br /> Mais il y a Ita L. à voir aussi, si tu aimes le théâtre, n'hésite pas.<br /> Anne

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