La guerre était finie, et mon droit de séjour parmi les épouses du Christ a expiré avec. Mais la guerre ne dit jamais son dernier mot, du moins pas complètement, les échos de ses clameurs et de ses râles grondent longtemps encore après qu’on lui a cloué son bec de charognard.
Les romans de Sylvie Germain sont toujours un moment d'intense plaisir malgré des thèmes parfois difficiles.
Dans cette Chanson des mal-aimants, elle nous invite à suivre une jeune fille abandonnée à la naissance devant la porte d'un couvent où elle va passer les cinq premières années de sa vie avant d'être jetée dans la vie. Sans identité, elle semble n'avoir jamais sa propre vie, même en étant actrice de son destin et va de place en place depuis ses Pyrénées natales jusqu'à Paris avant de revenir dans ses montagnes.
C'est dur, fort et touchant. C'est beau et merveilleusement écrit. C'est Sylvie Germain tout simplement.
J'aimais les mots comme des confiseries raffinées enveloppées dans du papier glacé aux couleurs chatoyantes ou du papier cristal translucide qui bruit sous les doigts quand on le déplie. Je les laissais fondre dans ma bouche, y répandre leur saveur. Mes préférés étaient les mots qu'il fallait croquer ainsi que des nougatines ou des noix grillées et caramélisées, et ceux qui dégageaient un arrière-goût amer ou bien acidulé. Certains mots me ravissaient, pour la troublante douceur de leur suffixe qui introduisait de l'inachevé et un sourd élan de désir dans leur sens : «flavescence, efflorescence, opalescence, rubescence, arborescence, luminescence, déhiscence ...». Ils désignaient un processus en train de s'accomplir, très intimement, secrètement ... et j'avais forgé un mot sur ce modèle :