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Si, par malheur, Mona devenait un jour aveugle à jamais, elle jouirait au moins d'une sorte de réservoir, au fond de son cerveau, où puiser des splendeurs visuelles. [...]
Une fois par semaine, selon un rituel immuable, il prendrait Mona par la main et l'emmènerait contempler une œuvre - une seule-, d'abord dans un long silence, pour que l'infini délice des couleurs et des lignes pénètre l'esprit de sa petite-fille, puis en mots, afin qu'elle dépasse le stade du ravissement visuel pour comprendre comment les artistes nous parlent de la vie, et combien ils l'éclairent.
Autant vous le dire tout de suite, vous avez ici un véritable coup de cœur tant j'ai trouvé ce livre, non seulement intéressant, mais aussi très original.
Il faut dire aussi que j'ai la chance de fréquenter beaucoup les musées et que les trois évoqués ici, je les connais plutôt bien, ce qui ne m'empêche pas de me perdre dans le Louvre, je vous rassure !
Alors, pour parler de ce si beau roman/cours d'histoire de l'art, je ne pouvais pas faire autrement que de me rendre aussi sur place. Ne soyez pas inquiets, je ne vous montrerai pas les 52 oeuvres dont il est question dans ces pages, elles sont faciles à trouver sur la toile mais en plus, pour ceux qui auront le livre entre les mains, l'éditeur Albin Michel a eu la merveilleuse idée de nous offrir une jaquette qui montre une reproduction de chacune des oeuvres citées. Et ça c'est vraiment très utile quand on n'a pas forcément un écran à portée de main.
D'ailleurs, je lisais quand un Monsieur plutôt âgé, assis à côté de moi, m'a dit qu'il avait également démarré la lecture et qu'il trouvait l'idée de la jaquette très utile et le propos très riche ! Comme quoi, le métro n'est pas que ce lieu noir, sordide et bondé... croyez-moi sur parole, il n'est pas rare que les lecteurs échangent quelques mots !
Ci-dessous, image avec jaquette ouverte sur la partie Louvre mais vous noterez aussi bien sûr que j'ai pour l'occasion sorti une tasse Mondrian... c'était un minimum !
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Assez bavardé, il est temps d'entrer dans le vif du sujet me direz-vous, à raison !
D'abord, un mot de l'auteur, que personnellement je ne connaissais pas, même s'il semble avoir déjà édité de nombreux essais. Thomas Schlesser est historien de l'art, il est aussi professeur à l'Ecole polytechnique et directeur de la Fondation Hartung-Bergman. Vous vous souvenez d'Ana-Eva Bergman, je vous avais raconté ma rencontre avec cette artiste fascinante au Musée d'Art Moderne de la Ville de Paris, à l'expo Un Voyage vers l'intérieur.
Thomas Schlesser doit être tombé tout petit dans le monde de l'art, son grand-père a été l'époux de Maria Casarès, et ce grand-père, André, dit Dadé, était comédien et chanteur de théâtre pour Jean Vilar, rien à voir avec la peinture, certes, mais les arts se rejoignent forcément !
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Donc, comme vous l'avez compris avec la première citation, il s'agit ici de la belle histoire d'une petite-fille de dix ans, soudainement menacée de cécité pour une raison inconnue. Le médecin qui la suit ne trouve rien d'anormal et suggère qu'en plus du suivi médical, la petite soit conduite chez un pédopsychiatre. Et c'est au grand-père qu'incombe cette responsabilité... sauf qu'il ne l'entend pas de cette oreille et décide d'un pieu mensonge pour entraîner son adorable, et adorée, Mona dans les musées plutôt que dans un autre cabinet médical.
L'histoire à proprement parler est mignonne, on peut suivre les évolutions de la petite, ses camarades de classe et ses premiers émois d'enfant de dix ans.
Le sujet est ailleurs, vous l'aurez compris.
Durant 52 semaines, une oeuvre, et une seule, sera présentée à l'enfant. Charge à elle de se l'approprier par l'observation, avant que son Dadé (bel hommage n’est-ce pas), ne lui explique et ne tire une morale de ce qu'ils auront étudié ensemble.
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L'aventure commence au Louvre avec Botticelli et la fresque Vénus et les trois grâces offrant des présents à une jeune fille, avec en guise de première leçon : "donner, recevoir et rendre", ce qui est une jolie manière d'entrer dans le sujet.
Je ne vous ferai ni la liste de tous les tableaux, ni celle de toutes les morales mais imaginez une traversée de l'histoire de l'art racontée de façon savante accessible, avec juste ce qu'il faut pour piquer notre curiosité, réviser ce que nous savions déjà et surtout, regarder, et regarder encore.
J'ai aimé le choix des œuvres qui nous conduit après Botticelli vers Vinci, bien sûr, impossible de ne pas évoquer La Joconde, ou Raphaël avec La Belle jardinière que vous pouvez voir ci-dessus, mais aussi Titien, Michel-Ange (l'Esclave mourant en photo), Frans Hals, Rembrandt, Philippe de Champaigne, Watteau, Marguerite Gérard, Jacques-Louis David ou encore Goya jusqu'à Turner qui nous conduira logiquement vers la modernité et le Musée d'Orsay.
Vous aurez compris, à travers mes photos, que je me suis amusée à chercher les œuvres au Louvre.
Bien sûr, je ne les ai pas toutes trouvées, la foule en excès a fini par nous faire fuir, mais j'avais le livre dans mon sac et nous nous sommes parfois arrêtés pour lire ce qu'en disait l'auteur.
Nous avons Gilles comme moi goûté ses explications qui nous ont réellement incités à regarder les oeuvres que parfois nous avions l'impression de connaître.
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Mona put se faufiler dans le dos de cette Gare Saint-Lazare et plonger de l'autre côté du miroir. Là, elle vit une toile vieillie, marronnasse et une armature en bois. Tiens ! Comme toute cela, d'un coup, lui sembla dérisoire, bricolé, fragile ! Mona comprit que c'était aussi cela le sens caché d'une peinture, c'était aussi cela qu'il fallait deviner derrière les images : il ne s'y nichait pas seulement des lectures complexes, des interprétations savantes, des décryptages audacieux et des hypothèses par centaines. Non, ce qui se dérobait et qu'il convenait de garder à l'esprit sous les couches de pigments, c'était la trivialité des canevas sans âmes montés sur châssis, c'était la désarmante simplicité de ces objets sur lesquels se fixeraient peut-être d'immortels moments de l'humanité même
Après Le Louvre, nous poursuivons à Orsay. J’ai omis de préciser que chaque musée est expliqué dans une petite présentation pour introduire le lieu avant de nous plonger dans les œuvres.
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La suite de la visite se poursuit donc à Orsay, et là nous démarrons par l'impressionnant Enterrement à Ornans de Courbet, suivi de l'Hommage à Delacroix de Fantin-Latour avant d'enchaîner avec Rosa Bonheur, Manet, Monet, Degas, Cézanne, Van Gogh, Claudel, Klimt, et même Hammershoi pour terminer par Mondrian, dont le tableau n'est pas visible actuellement au musée. C'est également le cas de Rosiers sous les arbres de Klimt qui a été restitué à ses propriétaires, il s'agissait d'une œuvre spoliée, L'Âge Mûr de Camille Claudel n'est plus exposé non plus depuis quelques temps déjà.
Cela n'empêche en rien une magnifique déambulation dans ce musée que j'affectionne particulièrement !
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Elle se dit que Marcel Duchamp était à sa manière un magicien, parce qu'il offrait cette possibilité extraordinaire de tout métamorphoser en œuvre d'art. La confusion qu'il opérait entre l'art et la vie la fit tressaillir. C'était presque trop beau pour être vrai.
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Nous voici maintenant à Beaubourg. Là, vous allez être déçus, je n'ai pas de photos. Je n'avais pas lu le livre quand je suis allée à Beaubourg et je n'ai pas eu le temps d'y retourner avec pour explorer les œuvres.
Il n'est pas dit que je n'irai pas tant cette partie est celle que je connais le moins. Je vous mets malgré tout les (vilaines) photos de la couverture pour vous donner une idée des œuvres, je ne les citerai pas toutes.
Kandinsky, Duchamp, Malevitch, pour démarrer, et de nombreux autres, c'est en tout 18 œuvres qui sont expliquées et ressenties. Si certaines me laissent assez indifférente, j'avoue une véritable curiosité face aux explications et vraiment, cet ouvrage m'accompagnera sûrement dans les salles du Centre Pompidou pour y voir plus clair.
Kandinsky, qui était un mélomane averti, exigeait que la peinture se fixe ce même niveau d'intensité et qu'elle développe un nouveau langage capable de créer une émotion totale. [...] Ce que dit Kandinsky, c'est que tout, absolument tout, peut être sacré. En prêtant attention au monde qui nous entoure, à la moindre de ses formes, de ses couleurs, de ses contours, on doit pouvoir apercevoir du divin, y compris dans l'objet le plus humble exécuté dans les confins des campagnes russes, y compris dans un rai de lumière ou dans le simple chant d'un oiseau. Dès lors, il n'est plus besoin de se rendre dans un temple quelconque pour que s'éveille en chacun un feu intérieur : l'étincelle est partout.
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Il va me falloir clore cet article interminable mais vous aurez compris que ce livre est réellement une mine d'information, et que l'on connaisse ou non l'art n'a aucune importance puisque tout est expliqué. Magritte, Brancusi, Khalo, Picasso, Pollock, Saint-Phalle, Bergman, Basquiat, Bourgeois, Boltanski et Soulages sont présentés mais aussi la performeuse Marina Abramovic, que j'ai pour ma part beaucoup de mal à comprendre.
Donc si vous hésitiez, n'hésitez plus, c'est un livre qui peut être lu comme un guide en allant d'une œuvre à l'autre.
Quelques jolis passages poétiques aussi, ce qui ne gâche rien. Je vous laisserai donc sur ce court passage à propos de Georgia O'Keeffe pour Stries rouges, jaunes et noires.
- Où va le vert des arbres une fois qu'il est parti ?
henry s'arrêta net. La question n'avait aucun sens d'un point de vue scientifique, certes. C'était toutefois une énigme qui résonnait profondément sur le plan métaphysique. Il scruta l'horizon en silence et, enfin, suggéra d'une voix calme et grave :
-C'est vrai cela, Mona... Vers quoi s'échappent le blanc de la neige quand elle fond, le rouge d'un volcan quand il s'éteint, le pourpre de l'amarante quand elle se fane, le brun des cheveux quand ils grisonnent, l'azur du ciel quand fuit le jour ? Peut-être y a-t-il un paradis pour les couleurs ? Je suis sûr qu'elles y chantent, qu'elles y tonnent et détonent, qu'elles s'y bousculent et s'y entremêlent. Et puis s'envolent. Et puis reviennent, à l'infini.
Mona observa alors un énorme marronnier, semblable à un géant.
- Bah tu vois, Dadé, le jaune des feuilles, bientôt, avec l'arrivée de l'automne, il deviendra orange ; et si je le regarde très longtemps, ce jaune, peut-être que c'est dans mon esprit qu'il va s'écouler. Et peut-être même que le paradis des couleurs c'est mon esprit !
[...]
- Si je deviens aveugle, le paradis des couleurs, j'espère qu'il sera dans ma tête.
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Retrouvez Les Yeux de Mona par Thomas Schlesser, publié par les éditions Albin Michel. Parcourez nos suggestions de livres Romans français
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