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Les musardises de ParisiAnne

Les musardises de ParisiAnne

Culture, littérature et découvertes. © Les musardises de ParisiAnne


Félicien Marceau, Creezy - Goncourt 1969

Publié par Parisianne sur 21 Juillet 2020, 17:45pm

Catégories : #Goncourt

Félicien Marceau est le pseudonyme de Louis Carette, né en Belgique en 1913 et mort à Paris en 2002. 

Rendu impopulaire dans son pays pendant l'occupation allemande en raison de son passage à la Radiodiffusion belge, il fuit en Italie et devient bibliothécaire au Vatican avant de gagner la France en 1948. Il publie alors son premier roman, Chasseneuil (1948) puis Bergères légères (1953), et les Elans du coeur qui obltient le Prix Interallié en 1955. c'est avec Creezy qu'il obtient le Goncourt en 1969.

Auteur d'un essai sur Balzac et son monde et d'un répertoire sur Les personnages de la Comédie Humaine, c'est également un auteur de théâtre.

Naturalisé français en 1959, il entre à l'Académie en 1975. Je vous invite à lire l'accueil d'André Roussin. 

André Roussin chargé d'accueillir Félicien Marceau à l'Académie, évoque ainsi cet épisode :

« Vous aviez le droit d’être heureux et fier. Pourtant des voix s’élevèrent autour de cette élection. En même temps qu’elles une autre voix — de votre pays d’origine — vint à nous, celle du Baron Jaspar qui fut baptisé " Le premier résistant belge ". Au lendemain de votre succès, il vous écrivait : " Les attaques aussi virulentes qu’injustes dont vous êtes l’objet témoignent d’une ignorance involontaire ou non des événements qui se déroulèrent en juin 1940. « Premier résistant belge » (le Baron Jaspar écrit ces mots entre guillemets) c’est en cette qualité que je vous réitère dans cette lettre qui n’a rien de confidentiel mes félicitations et mon amitié."

Dix ans avant que cette lettre vous fût adressée, le Général de Gaulle, alors Président de la République, avait eu à connaître de votre situation civique. Il s’en était ému. Il avait reçu votre dossier et l’ayant examiné avec l’attention que l’on peut supposer, le Premier résistant de France vous avait accordé la nationalité française. C’est ce qui nous vaut de vous recevoir aujourd’hui.

Remercions donc celui qui vous ayant fait français, nous a permis de vous élire. Comment douter qu’il eût approuvé notre choix, puisqu’aussi bien, c’est lui qui vous a entrouvert les portes de notre maison. »

Quand on attend les gens, les choses n'existent pas. On les longe, on les frôle : ils ne sont pas là, ils ne sont pas vraiment là.

Félicien Marceau, Creezy

Félicien Marceau, Creezy - Goncourt 1969

Au milieu de cette ville qui partout porte son image, Creezy est seule.

Creezy est mannequin, lui est député, ils se rencontrent dans un aéroport et nouent une relation passionnée, tourmentée donc. 

Lui a une famille et un emploi du temps rempli. 

Creezy est seule bien que très entourée.

On dirait que nous ne commençons à exister que lorsque nous sommes ensemble ; que, chaque fois, nous surgissons même pas de l'ombre mais d'un univers indéfini, mais de néant, pour nous retrouver sur un ring, sur un podium et moins pour nous aimer que pour nous affronter.

Olivier Boura écrit dans Un siècle de Goncourt : "Creezy est un livre tout entier consacré à une femme. Mais à une femme qui pourrait bien n'être qu'un leurre, un e pure et simple image de la femme."

J'insiste sur le fait que le roman est écrit par un homme qui fait parler un homme. Creezy pourrait ainsi paraître inexistante, ne refléter que l'image que renvoient les affiches sur lesquelles elle est exposée au regard de tous.

De Betty, des enfants, de mon travail, elle ne parle jamais. Ou attend-elle que j'en parle le premier ? Nos rapports, à ce moment-là, ont quelque chose d'inhumain, sans racines, sans terreau, sans hier ni demain, limités à l'instant, limités à cette fièvre sèche qui nous jette l'un vers l'autre.

Pourtant, au fil du texte, pour nous, le corps de Creezy s'efface et c'est sa douleur qui domine.

J'ai trouvé ce roman très moderne, rappelons que nous sommes en 1969, devrais-je dire  : seulement en 1969 ?

Vue par les yeux des hommes, elle n'en prend que plus de profondeur, à moins que ce ne soit mon regard qui ne soit faussé ?

On dirait que c'est de cette inhumanité même que nous avons besoin, qu'elle nous rassure ou qu'elle nous fascine, qu'elle est notre élément ou encore que nous voulons à tout prix retarder ce moment dont nous savons bien pourtant ou dont nous pressentons qu'il arrivera, où tout deviendra plus grave et peut-être douloureux.

Ce roman est assez court, je l'ai trouvé très beau. Je vous invite à le lire, si ce n'est déjà fait. Comme toujours, votre ressenti m'intéresse.

Quelques années plus tard, Pascal Lainé tourne autour d'un sujet similaire, et dans une veine tout aussi tragique avec La Dentellière, Goncourt 1974. J'en parlerai peut-être plus tard, mais lisez-le aussi !

Sur ma table, il y a un magazine. [...] Creezy, en robe du soir, une robe d'un bleu chatoyant, et couverte de bijoux. [...] La photo est de profil. Creezy regarde au loin. Creezy, ma Creezy, ma petite noyée en robe du soir, ma petite noyée couverte de clips et de bracelets, comme des algues, comme des nénuphars, [...] ne sais-tu donc pas que je veille sur toi, même quand je ne suis pas là ? Elle ne le sait pas. Ne te suffit-il pas que, cet après-midi, mon ventre ait été dans ton ventre, ma bouche dans ta bouche

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