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Les musardises de ParisiAnne

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Culture, littérature et découvertes. © Les musardises de ParisiAnne


Jean-Jacques Gautier, Histoire d'un fait divers

Publié par Parisianne sur 1 Mai 2023, 09:00am

Catégories : #Goncourt, #Lecture

Jean-Jacques Gautier, Histoire d'un fait divers

Vous reconnaissez la bibliothèque des Goncourt ? Bien vu ! C'est effectivement le prix Goncourt 1946 qui va nous occuper aujourd'hui, Histoire d'un fait divers de Jean-Jacques Gautier. Encore un auteur aujourd'hui oublié, non ? Y aurait-il ici quelqu'un qui aurait lu une de ses œuvres ? 

Jean-Jacques Gautier trône donc en bonne place entre Jean-Louis Bory, Goncourt 1945 pour Mon village à l'heure allemande, que pour une raison inconnue je n'ai pas chroniqué mais que j'ai lu avec plaisir il y a quelques temps déjà, et Jean-Louis Curtis, Goncourt 1947 avec Les Forêts de la nuit, pas encore lu ! 

Petite particularité de cette année 1946, deux prix ont été décernés cette année-là, celui de 1940 qui pour les raisons que vous devinerez a été ajourné et réservé à un auteur ayant été déporté ou fait prisonnier. C'est donc Francis Ambrière qui sera récompensé pour son roman Les Grandes vacances, vous devinez l'antiphrase du titre bien sûr !

Mais revenons à Jean-Jacques Gautier, ce n'est pas du tout un illustre inconnu comme nous pourrions le penser aujourd'hui. Né en 1908, il entame une carrière de journaliste en 1935, devient critique dramatique au Figaro en 1944, entre à l'Académie Française en 1972 et a publié une vingtaine de romans. Joli parcours !

Son roman malgré le prix ne fait cependant pas l'unanimité dans la presse, je vous laisse en juger sous la plume de Marie-Louise Barron, Les Lettres françaises du 6 décembre 1946 :

 

il était normal que M. Gautier, journaliste bousculé par l'actualité puise dans le domaine du fait divers [...] matière de son ouvrage. [...] Seulement, pour faire Sanctuaire, avec un fait divers, il faut être Faulkner. Je crains que M. Gautier ne soit que M. Gautier, que partant d'une histoire vraie, il n'ait fait qu'un roman faux.

Goncourt, Cent ans de littérature sous la direction de D-A Grisoni

Cette dame est un peu sévère, du moins au regard d'aujourd'hui ! 

Inspiré d'un véritable fait divers que l'avocat Jacques Isorni -dédicataire du livre - (avocat de Brasillach et de Pétain mais aussi des communistes) lui a raconté, Jean-Jacques Gautier relate l'histoire d'un pauvre bougre assassin de son épouse, prostituée notoire à laquelle il est viscéralement attaché.

Le roman s'ouvre sur la mort de la jeune femme dans la salle d'un café parisien où le tenancier est abasourdi et doublement assommé lorsqu'il voit arriver son assassin de mari qui a tenté de se trancher la gorge et se jette dans le sang de son épouse.

L'histoire démarre ensuite en remontant à l'enfance de Lucien Cappel, enfant sans histoire, peut-être un peu simple, du moins "gentil", né dans une famille de mineur, mineur lui-même dès l'âge de treize ans. ce n'est pas Zola mais pas loin ! 

Le jeune garçon souffre de migraines terribles et il lui arrive, surtout s'il a bu, de plonger dans des colères terribles et violentes au cours desquelles il n'est plus maître de lui-même.

Les femmes auront raison de son peu de raison ! 

Son enfance et ses premières années de jeune homme se ramenaient ainsi à une trentaine de scènes terribles qui laissaient à ce doux un sentiment d’étonnement, d’horreur, d’inquiétude et la crainte vague de cette puissance étrangère qu’il redoutait de voir commander en lui, à sa place.

Ainsi présenté, ce n'est pas très palpitant ! Néanmoins, il y a dans la forme une étude intéressante des caractères et d'une époque. Le jeune Lucien est né en 1901, il intègre la mine quand la Première  Guerre démarre, il commet son crime à la veille de la seconde. L'auteur nous décrit une époque que l'on sait difficile pour les ouvriers, notamment ici les mineurs dans le Nord, mais lorsque sur l'insistance de sa première épouse Cappel s'installe à Paris, la vie n'est pas plus facile, loin de là.

L'écriture est très naturaliste, le portrait de la société ouvrière sans concessions mais ce qui est intéressant dans ce texte, ce sont les différents protagonistes dont on sent très vite s'ils seront "bons" ou "mauvais", les femmes ayant plutôt le mauvais rôle ! Lucien Cappel face à ses démons comme à ses faiblesses en devient presque touchant. 

Bien que le dénouement nous ait été donné d'entrée, on sent monter le geste ultime malgré tous les efforts de cet anti héros écrasé par une sorte fatalité. Il faut dire que la seule femme avec laquelle il avait trouvé un équilibre meurt prématurément, le laissant désemparé avec deux jeunes fils sur les bras.

Lucien n'était pas fort. Sauf aux moments où il s'abandonnait à ses grandes colères. Cela n'arrivait pas souvent, mais, après, il en éprouvait une horreur découragée, du dégoût de lui, puis des autres qui avaient provoqué cette colère : il savait en effet qu'il n'y était pour rien, qu'il n'y pouvait rien, que cela lui venait du dehors, émanait d'une force qui le dépassait. (...) Après un remous monstre au creux de l'estomac, il reconnaissait cette colonne tourbillonnante qui montait au-dedans de lui en faisant le vide.

Voilà un texte à la lecture aisée, reflet d'une époque et d'une misère plus morale qu'autre chose d'ailleurs. Si la vie n'est pas facile, loin de là, il y a plus de misère morale qu'autre chose entre ces pages.

Et pour découvrir l'auteur, je vous invite à regarder cette vidéo qui peut-être vous donnera envire de découvrir d'autres livres de Jean-Jacques Gautier.

il me faut ajouter pour terminer qu'avec ce prix, la maison d'édition Julliard (fondée en 1942) fait son entrée dans la cour du Goncourt. 

Jean-Jacques Gautier, Histoire d'un fait divers
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L
non je confonds pour Jean Louis Curtis mais je ne sais plus avec quel livre
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L
je ne lirai pas ce roman mais j'ai lu avec grand intérêt ce que vous en dites et cela m'a amusé de voir que j'ai lu Jean Louis Bory et Jean-Louis Curtis dont j'ai un vague souvenir une histoire d'amour incestueux entre frère et soeur si je me souviens bien mais je peux me tromper
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V
je ne connaissais pas du tout cet auteur, merci de nous en parler! gros bisous Anne . cathy
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M
Je n'ai jamais lu ce Prix Goncourt et je ne connais cet auteur que de nom et pour l'avoir eu dans les rayons lorsque j'étais bibliothécaire. Pour l'instant je passe j'ai bien trop à lire ! Bises et merci pour cette présentation
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M
Bonjour Anne,<br /> Cet auteur fait partie de ceux que je ne connaissais pas.<br /> Bises?<br /> Bon après-midi de 1er mai.<br /> Mo
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