" Il n'y a que des destins singuliers, au théâtre et partout. Elle remet ses écouteurs. Chaque vie mérite sa musique. La mélodie du Roi de coeur est sa musique. Elle dit que tout est beau quand la folie commence. Mais la folie ne gagne pas. "
Marie, la cinquantaine dynamique se retrouve seule, son compagnon de vie est parti avec une femme plus jeune, leur fils Etienne et son épouse ont leur vie, elle s'occupe de sa petite fille Léa mais tout est à reconstruire et tel un funambule, elle oscille sur ce nouveau fil tendu devant elle.
Entre sa maison de Bretagne et son appartement parisien, elle ne sait trop où se réfugier. En Bretagne elle a son amie de toujours, Agnès, comme elle séparée de son conjoint, avec qui elle travaille dans le restaurant galerie, ainsi qu'André, son voisin qui l'âge venant a décidé de s'installer en maison de retraite pour regarder venir sa fin. A Paris, Marie a son travail d'attachée de presse dont elle se détache peu à peu fuyant les succès fabriqués, et surtout sa petite-fille, Léa, dont elle est très proche.
Alors qu'elle séjourne dans sa maison bretonne, Marie fait la connaissance des enfants des nouveaux propriétaires de la maison d'André venus, avec des compagnons de travail, préparer le concours du Conservatoire. Pour Marie, c'est un retour en arrière, un retour à l'époque où Etienne préparait le même concours, une époque où il souhaitait devenir acteur et où sa mère rêvait pour lui avec l'espoir de lui écrire un texte qui le conduirait au succès.
Grisés par l'attention qu'elle leur porte, les jeunes comédiens se laissent guider et Marie se lance dans l'écriture de ce spectacle qu'elle porte en elle depuis si longtemps. Elle s'immerge totalement dans ce projet au point d'en perdre le contact avec la réalité, de couper le fil qui la relie au monde des vivants.
Dans un style à la fois poétique et fluide, Philippe Delerm nous invite à emboîter le pas à Marie nous offrant de progresser avec elle sur ce fil tendu à l'extrême. Et ce sont en effet vers des extrémités que ce chemin nous entraîne, les extrémités du coeur, de l'engagement, de la vie tout simplement.
Avec de nombreuses références à Proust et à sa Recherche du temps perdu, Philippe Delerm offre ici un roman plein de délicatesse et de souffrance. Les personnages nous laissent à distance, on ne sent pas d'empathie pour Marie qui vit par procuration, ni pour Etienne qui refuse d'avouer son échec à poursuivre ses rêves mais on se sent entraîné vers ces rêves que chacun porte en lui sans être certain de pouvoir jamais les atteindre.