Les Déferlantes est le livre par lequel je suis entrée dans l'univers de Claudie Gallay. Et je ne regrette pas d'avoir tourné ces pages là.
Nous voici en Normandie, tout là-haut à la Pointe du Cotentin, à la Hague très précisément, dans ce coin sauvage dont le nom fait frémir par ce qu'il évoque, mais qui est pourtant si beau.
Je l'avoue sans honte, c'est l'évocation de cette région qui m'a attirée vers ce roman. L'envie de retrouver des sentiers parcourus, il y a bien longtemps.
Dans les premières pages, le style m'a décontenancée puis progressivement, je me suis laissée emporter par cette écriture, tantôt lancinante comme le mouvement des vagues sur la plage, tantôt cinglante comme le vent.
La narratrice, dont on ignore le nom, est venue fuir son histoire dans la rigueur silencieuse de la côte. Elle compte les oiseaux comme elle compterait les heures qui l'éloignent de son amour mort. Puis, un jour de tempête, arrive Lambert, un homme en quête de vérités. Ensemble, ils vont arpenter la lande, chacun cherchant sa lumière.
Qu'est-ce qui fait que l'on s'éprend, comme ça, au premier regard, sans jamais s'être vus avant ? Il y a des rencontres qui se font et d'autres, toutes les autres qui nous échappent, nous sommes tellement inattentifs... Parfois nous croisons quelqu'un, il suffit de quelques mots échangés, et nous savons que nous avons à vivre quelque chose d'essentiel ensemble. Mais il suffit d'un rien pour que ces choses là ne se passent pas et que chacun poursuive sa route de son côté.
Leur chemin est parsemé de drames et de rencontres mais surtout de silences, de ces silences de mer lourds et forts à la fois dans lesquels le vent et les vagues s'engouffrent sans scrupules.
La Hague est un pays rude, ses habitants ne le sont pas moins. Tout se paye et la mer ne rend presque jamais ce qu'elle prend.
Lili et sa colère, la Mère et ses peurs, le vieux Théo et ses chats, Monsieur Anselme et son obsession pour Prévert, Nan et son attente, Max et son bateau, Morgane et Raphaël dans leur ambiguité, ainsi que les enfants qui traversent ces pages, chacun des personnages se détache sur fond de tempête intérieure et tous trouvent leur place dans le récit, se chauffent parfois les uns aux autres, s'emmêlent.
Je ne sais pas où ils puisait cette force, de quelle part obscure lui venait ce besoin de creuser toujours plus profond. Sans concession. J'aurais voulu être capable de vivre comme il sculptait. Au sang et à la chair.
La mer et la nature sont très présentes dans ce roman, les éléments s'expriment parfois plus que les hommes, il suffit de savoir les écouter .
Il m'a prise par la main et il m'a fait toucher le tronc. L'arbre était famélique. Il m'a montré les feuilles, les bourgeons.
Il a plaqué ses mains contre l'écorce.
- Des arbres meurent, d'autres poussent, certains restent.
Il écoutait battre le cœur de l'arbre.
Et puis, il y a l'art, omniprésent avec Raphaël, le sculpteur, sa quête est fascinante et ses oeuvres se dessinent sous nos yeux avec puissance.
L'atelier était envahi par une foule oppressante et muette, traquée par la lumière aveuglante des halogènes. La dernière sculpture trônait, sœur de toutes les autres, elle témoignait la même obsession, faire du juste avec de l'injuste, de la passion avec de la misère.
Et du désir avec de l'absence.
Un roman à lire assurément. Et un auteur à découvrir sans hésiter.
- Regarder les papillons, c'est aussi ça le bonheur.
Il est revenu poser la main sur l'épaule de son ami. - On va quand même pas tuer le bonheur, hein, Max ?