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Les musardises de Parisianne

culture

Delacroix, des couleurs et des mots

10 Septembre 2013, 16:20pm

Publié par Parisianne

Place de Furstenberg, Paris 6e

Place de Furstenberg, Paris 6e

A deux pas de l'église Saint-Germain-des-Prés, une petite place très paisible au coeur de ce quartier animé et, dans un angle, un hôtel particulier où le peintre Eugène Delacroix (1798-1865) a vécu ses dernières années pour être au plus près de l'église Saint-Sulpice où il travaille jusqu'en 1861 à la Chapelle des Saints-Anges.

Le musée n'est pas grand mais abrite un petit havre de verdure, récemment remanié pour lui rendre le charme cher à l'artiste. J'ai eu la chance d'y aller par une très chaude journée d'été et le lieu vaut vraiment le détour.

Delacroix c'est bien sûr le peintre de la couleur, La mort de Sardanapale, La liberté guidant le peuple, Les femmes d'Alger dans leur appartement ou encore la Chasse aux lions, pour n'en citer que trop peu, mais aussi les commandes officielles comme la bibliothèque de l'Assemblée Nationale ou celle du Sénat, toutes ces oeuvres qui feront de lui un artiste majeur du XIXe siècle et feront couler beaucoup d'encre et de salive à ses détracteurs autant qu'à ses admirateurs.

Mais ce maître a un autre talent que l'on connaît moins, celui d'écrivain. Il aurait d'ailleurs hésité entre les deux professions ! Il choisira la peinture mais alimentera de façon très régulière son Journal, véritable source d'informations sur son oeuvre et ses contemporains aussi riche qu'intelligente.

Delacroix a 24 ans lorsqu'il écrit en 1822 : "Je mets à exécution le projet formé tant de fois d'écrire un journal. Ce que je désire le plus vivement, c'est de ne pas perdre de vue que je l'écris pour moi seul. Je serai donc vrai, je l'espère ; j'en deviendrai meilleur. ce papoer me reprochera mes variations. Je le commence dans d'heureuses dispositions".

Le parler vrai perdure, c'est incontestable, mais on sent très vite une attention particulière portée sur ce qu'il écrit et une conscience très nette d'un passage à la postérité de ces observations sincères.

Le Journal de Delacroix offre au lecteur curieux de nombreux commentaires sur son travail, l'art, la littérature, ses voyages et ses contemporains mais aussi une attention très grande portée à la nature. Un petit plaisir à ne pas bouder :

"La première et la plus importante chose en peinture, ce sont les contours. Le reste serait-il extrêmement négligé que, s'ils y sont, la peinture est ferme et terminée." 1824

"Je n'aime point la peinture raisonnable ; il faut, je le vois, que mon esprit brouillon s'agite, défasse, essaye de cent manières, avant d'arriver au but dont le besoin me travaille dans chaque chose." 1824

"Le poète se sauve par la succession des images, le peintre par leur simultanéité. " 1834

"Combien de livres qu'on ne lit pas parce qu'ils se veulent être des livres. " 1843

"De l'abus de l'esprit chez les Français. Ils en mettent partout dans leurs ouvrages, ou plutôt ils veulent qu'on sente partout l'auteur, et que l'auteur soit homme d'esprit et entendu à tout [...] dans les arts de même. Le peintre pense moins à exprimer son sujet qu'à faire briller son habileté, son adresse ; de là, la belle exécution, la touche savante, le morceau supérieurement rendu. Eh ! malheureux, pendant que j'admire ton adresse, mon coeur se glace et mon imagination reploie ses ailes." 1844

Et pour finir avant de vous lasser, ce passage fort drôle, écrit en 1850, delacroix a 52 ans.

"[...] Je commence à prendre furieusement en grippe les Schubert, les rêveurs, les Chateaubriand (il y a longtemps que j'avais commencé), les Lamartine, etc. Pourquoi tout cela se passe-t-il ? Parce que ce n'est point vrai... Est-ce que les amants regardent la lune, quand ils trouvent près d'eux leur maîtresse ?... A la bonne heure, quand elle commence à les ennuyer.

Des amants ne pleurent pas ensemble ; ils ne font pas d'hymnes à l'infini, et font peu de descriptions. Les heures vraiment délicieuses passent bien vite, et on ne les remplit pas ainsi.

Les sentiments des Méditations* sont faux, aussi bien que ceux de Raphaël, du même auteur. Ce vague, cette tristesse perpétuelle ne peignent personne. C'est l'école de l'amour malade... C'est une triste recommandation, et cependant les femmes font semblant de raffoler de ces balivernes ; c'est par contenance ; elles savent bien à quoi s'en tenir sur ce qui fait le fond de l'amour. Elles vantent les faiseurs d'odes et d'invocation, mais elles attirent et recherchent soigneusement les hommes bien portants et attentifs à leurs charmes. [...] "

 

Reconnaissez que c'est savoureux !

* Lamartine

 

Musée Delacroix, 6 rue de Furstenberg 75006 Paris

 

 

 

 

 

Delacroix, des couleurs et des mots
Delacroix, des couleurs et des mots
Delacroix, des couleurs et des mots
Delacroix, des couleurs et des mots

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Ode au jardin chez Rodin

5 Septembre 2013, 13:36pm

Publié par Parisianne

Ode au jardin chez Rodin

Avec la rentrée reviennent les petits plaisirs parisiens, et en particulier ces lectures au musée Rodin. 
Alors que l'été joue les prolongations, c'est à une Ode au jardin que nous étions conviés sur les terrasses du musée. 


Charles Gonzalès en belle compagnie de Fanny Cottençon ont été nos guides pour une promenade fleurie, parfumée et sensuelle dans les jardins de la littérature à travers les époques, leurs lectures accompagnées par Mossy Amidi Fard et sa musique envoûtante.

Du jardin de la Genèse au Cantique des cantiques,

"Mon bien-aimé est pour moi un bouquet de myrrhe / qui repose entre mes seins /  Mon bien-aimé est pour moi une grappe de troëne des vignes d'En-Guédi / Que tu es belle, mon amie, que tu es belle ! / Tes yeux sont des colombes / Que tu es beau, mon bien-aimé, que tu es aimble ! / Notre lit c'est la verdure / Les solives de nos maisons sont des cèdres, nos lambris sont des cyprès..."

De Virgile au petit jardin de Jacques Lanzman chanté par Jacques Dutronc, en passant par Les Milles et unes nuits,  La Fontaine, Rousseau, Chateaubriand ou même Hugo dans les Misérables ou Zola dans La Faute de l'Abbé Mouret, l'évocation de ces jardins enchanteurs ou enchantés, nés dans l'imaginaire des auteurs était une véritable ode aux sens portée par deux acteurs aussi sensibles que spontanés.

Une belle soirée.

 

 

 

Ode au jardin chez Rodin

Après trois ans,

Ayant poussé la porte étroite qui chancelle,
Je me suis promené dans le petit jardin
Qu'éclairait doucement le soleil du matin,
Pailletant chaque fleur d'une humide étincelle.

Rien n'a changé. J'ai tout revu : l'humble tonnelle

De vigne folle avec les chaises de rotin...
Le jet d'eau fait toujours son murmure argentin
Et le vieux tremble sa plainte sempiternelle.

Les roses comme avant palpitent ; comme avant,

Les grands lys orgueilleux se balancent au vent,
Chaque alouette qui va et vient m'est connue.

Même j'ai retrouve debout la Velléda
Dont le plâtre s'écaille au bout de l'avenue,
Grêle, parmi l'odeur fade du réséda.

 

Paul VERLAINE

Ode au jardin chez Rodin
Ode au jardin chez Rodin
Ode au jardin chez Rodin
Ode au jardin chez Rodin
Ode au jardin chez Rodin
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Titanic expo, quand le drame devient mythe

2 Septembre 2013, 07:16am

Publié par Parisianne

Titanic expo, quand le drame devient mythe

Complément d'information.

Si je fais remonter ce post aujourd'hui, c'est d'abord pour vous informer que l'expo est prolongée jusqu'au 29 septembre, cela laisse donc un peu de temps au retardataires, mais surtout pour vous transmettre une information qui j'ignorai.

Lionel CODUS m'a signalé hier que le schéma très parlant de cette tour Eiffel à côté du Titanic avait été réalisé par son frère Cyril CODUS, passionné par l'histoire du navire.

 

Merci à Xavier d'Attitude de m'avoir incitée à me rendre à cette exposition Titanic qui spontanément ne m'attirait pas.

Tout le monde connaît la tragique histoire du Titanic, "palace flottant, prouesse technologique" ayant emporté par le fond 1500 personnes dans la nuit du 14 au 15 avril 1912, suite à une collision avec un iceberg.

 

Découverte en septembre 1985 par une expédition franco américaine, l'épave du Titanic reste -et restera- à 3843 mètres de profondeur, à 745 km de Terre-Neuve. Néanmoins, de nombreuses pièces en tous genres (morceaux de construction, objets de décor ou effets personnels) ont été extraits du navire et font l'objet de soins très attentifs pour nous livrer aujourd'hui un petit bout de cette terrible histoire.

 

Copyright Cyril CODUS

Copyright Cyril CODUS

L'exposition démarre par une présentation historique pour nous situer dans l'époque, 1912, à la veille de la Grande Guerre.

Tout est simplement expliqué, du contexte historique, politique mais aussi des prouesses technologiques de cette période très riche, sans oublier les exploits sportifs ! C'est vraiment très bien fait et accessible à tous.

Puis viennent les détails techniques de la construction du bateau. Je ne vous assomerai pas de chiffres, la photo mettant le navire aux côtés de notre Tour Eiffel parle d'elle-même.

Après cette introduction fort instructive, nous sommes invités à emprunter un couloir des premières classes pour pénétrer dans le navire. 

 

Titanic expo, quand le drame devient mythe

La suite de la visite se fait au milieu de très belles reconstitutions et d'explications très claires concernant le luxe bien sûr, ce fut à l'époque l'élément commercial par excellence, mais aussi de nombreuses indications à propos de la construction de ce magnifique vaisseau réputé insubmersible et de l'organisation de la vie à bord.

J'ai été étonnée d'apprendre qu'en dehors du personnel dévoué au service des passagers, aucun membre de l'équipage ne croisait ces mêmes passagers, le navire était parcouru de couloirs spécifiques, pas questions pour les riches participants à cette belle aventure de croiser la mine noire des machinistes ou l'ombre du bonnet d'un pâtissier !

 

 

Titanic expo, quand le drame devient mythe
Titanic expo, quand le drame devient mythe
Titanic expo, quand le drame devient mythe
Titanic expo, quand le drame devient mythe
Titanic expo, quand le drame devient mythe

L'accent bien sûr est mis sur le luxe et la beauté du Titanic, mais les classes inférieures ne sont pas oubliées et chaque partie est méticuleusement expliquée.

La visite est ponctuée de témoignages plus poignants les uns que les autres, de nombreux actes d'héroïsme ou petits gestes anodins ayant revêtus une importance particulière, je pense en particulier à cette jeune femme (journaliste il me semble) qui s'est trouvée en tenue de soirée sur un canot majoritairement occupé par de jeunes enfants terrorisés, elle avait dans son sac une petite boîte à musique offerte par sa mère qu'elle a utilisée pour tenter d'apaiser les plus petits.

 

Titanic expo, quand le drame devient mythe

Une exposition très riche et bien construite pour qui s'intéresse à cette tragédie et un descriptif non moins intéressant des fouilles menées dans des conditions difficiles par des équipes d'archéologues, océanographes et scientifiques. 

 

Titanic expo, quand le drame devient mythe

Parmi les nombreuses victimes, l'équipage a payé un fort tribut avec 701 disparus et 209 survivants.

 

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Prussian Blue, le monde de l'art

25 Juin 2013, 08:30am

Publié par Parisianne

Découverte grâce à Xavier, cette revue d'art m'a totalement séduite. Vous me répondrez que ce n'est pas difficile de retenir mon attention avec une revue d'art, ce n'est pas tout à fait faux ! Mais là, j'ai particulièrement aimé le ton, la grande variété des sujets et même/surtout le fait d'avoir été un peu bousculée dans mes goûts !

 

Prussian Blue est un magazine trimestriel qui aborde la création contemporaine en ne négligeant pas le clacissisme. 

L'édito de Guillaume de Sardes (écrivain, photographe et critique d'art) nous place immédiatement dans cet état d'esprit, en citant Fourier et son goût pour la variété. De la même manière, l'invitation à la flânerie pour nourrir l'art est agréablement évoquée par ces lignes, je ne résiste pas à vous citer un très court extrait :"Être un artiste c'est moins utiliser tel ou tel medium que d'avoir un monde intérieur à transmettre -presque malgré soi-, un monde singulier fait de références, d'admirations,, d'images et d'obsessions."

Le reste de la revue ne trahit pas cette idée, et nous passons avec plaisir de l'atelier du peintre Tim Eitel (1971) à Paris, à la lecture de l'oeuvre de Lubin Baugin (1610-1663) Nature morte à l'échiquier ; de la Villa Valmarana à Vicenza -édifiée à partir d'un refuge champêtre dès 1669 et transformé au fil des siècles- à l'église Saint-Pierre de Firminy, commandée au Corbusier.

Une large place est offerte à la photographie contemporaine, nous permettant de (re)découvrir Guillaume de Sardes comme photographe et directeur artistique, mais également le photographe Nicolas Comment pour terminer par de déroutants Carnets du Brésil , textes et photographies d'Antoine d'Agata

Peinture, architecture mais également musique, photographie et cinéma, tous les arts sont évoqués sans oublier un carnet central permettant d'être informé du marché et de l'actualité de l'art.

 

Une revue complète et de grande qualité, très bien écrite et qui ouvre à des formes d'expressions modernes -auxquelles je reconnais ne pas être toujours sensible, par ignorance. 

Je vous invite grandement à découvrir si ce n'est déjà fait !

 

 

Prussian Blue, le monde de l'art

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Lecture à l'Abbaye

4 Juin 2013, 05:46am

Publié par Parisianne

Lecture à l'Abbaye

Puisque je vous parlais dimanche du Festival Terres de paroles au Bec Hellouin, la moindre des choses est que je vous mette l'eau à la bouche (pour l'an prochain) en évoquant les lectures.

Ce festival s'est déroulé du 24 mai au 2 juin en divers sites de Haute-Normandie.

Je n'ai, pour ma part, pu me rendre qu'au Bec Hellouin, je veillerai à une organisation plus efficace l'an prochain !

Néanmoins, j'ai eu le bonheur d'assister à des lectures intéressantes.

La première, des extraits de la Bible par Laurent Poitrenaux. J'avais eu la chance d'entendre cet acteur quelques jours auparavant dans une lecture d'extraits d'Eaux tumultueusesen présence d'Aharon Appelfeld, auteur, et de son efficace traductrice Valérie Zenatti. Bien sûr, la Bible c'était un peu différent !

L'Arche de Noé, la Sortie d'Egypte et le Livre de Jonas, des textes connus et accessibles, lus avec beaucoup de professionnalisme par Laurent Poitrenaux.

 

La deuxième lecture Le Nom de la rose, le très célèbre roman d'Umberto Ecco, était faite par un autre acteur, Jérôme Kircher. Je reconnais avoir été un peu déçue par le choix du chapitre qui ne reflète pas du tout, à mon avis, la teneur de l'oeuvre et le côté polar. Il s'agissait du passage où les moines et les inquisiteurs sont réunis pour (se) disputer au sujet de la pauvreté du Christ qui oppose les franciscains à l'autorité pontificale. 

Malgré le côté un peu compliqué de ce chapitre, je dois avouer avoir été complètement sous le charme du talent de lecteur de Jérôme Kircher qui a su déjouer la difficulté pour nous offrir un très beau moment. Je ne peux que saluer cette très belle performance et souhaiter avoir d'autres occasions de l'entendre.

 

Lecture à l'Abbaye
Lecture à l'Abbaye
Lecture à l'Abbaye
Lecture à l'Abbaye

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Des corps dans l'atelier, chez Rodin

27 Mai 2013, 20:26pm

Publié par Parisianne

Au musée Rodin dernièrement, une lecture par Charles Gonzalès et François Marthouret sur le thème du rapport de l'artiste au modèle.

Des textes de Michel Ange, Antoine Bourdelle, Jean Genêt ou Giacometti mais aussi de très nombreux écrits de Rodin lui-même ainsi que des extraits de L'Art, Auguste Rodin, entretiens réunis par Paul Gsell.

Une lecture vivante, un véritable dialogue entre les deux acteurs ont fait de ce moment un instant privilégié. 

Rodin évoque dans L'Art son rapport au corps, j'ai découvert qu'il aimait s'entourer de modèles hommes et femmes qu'il invitait à se déplacer nus dans l'atelier afin d'observer les corps, les mouvements et donner ainsi plus de vie à son travail.

Voici un extrait de ces entretiens, c'est un peu long mais vraiment, prenez le temps de le lire, c'est très intéressant :

"Dans son atelier circulent ou se reposent plusieurs modèles nus, hommes et femmes.

Rodin les paie pour qu’ils lui fournissent constamment l'image de nudités évoluant avec toute la liberté de la vie. Il les contemple sans cesse, et c’est ainsi qu’il s’est familiarisé de longue date avec le spectacle des muscles en mouvement. Le nu qui pour les modernes est une révélation exceptionnelle, et qui, même pour les sculpteurs, n’est généralement qu’une apparition dont la durée se limite à la séance de pose, est devenu pour Rodin une vision habituelle. Cette connaissance coutumière du corps humain, que les anciens Grecs acquéraient à contempler les exercices de la palestre, le lancement du disque, les luttes au ceste, le pancrace et les courses à pied et qui permettait à leurs artistes de parler naturellement le langage du nu, l’auteur du  Penseur se l'est assurée par la présence continuelle d’êtres humains dévêtus qui vont et viennent sous ses yeux. Il est arrivé de cette façon à déchiffrer l’expression des sentiments sur toutes les parties du corps.

Le visage est généralement considéré comme le seul miroir de l’âme ; la mobilité des traits de la face nous semble l’unique extériorisation de la vie spirituelle.

En réalité, il n’est pas un muscle du corps qui ne traduise les variations intérieures. Tous disent la joie ou la tristesse, l’enthousiasme ou le désespoir, la sérénité ou la fureur... Des bras qui se tendent, un torse qui s’abandonne sourient avec autant de douceur que des yeux ou des lèvres. Mais pour pouvoir interpréter tous les aspects de la chair, il faut s’être entraîné patiemment à épeler et à lire les pages de ce beau livre. C’est ce que firent les maîtres antiques aidés par les mœurs de leur civilisation. C’est ce qu’a refait Rodin de nos jours par la force de sa volonté.

Il suit du regard ses modèles ; il savoure silencieusement la beauté de la vie qui joue en eux  […]

Certain soir, quand la nuit eut commencé à feutrer l’atelier de traits d’ombre, et tandis que les modèles se rhabillaient derrière des paravents, je m’entretins avec le maître de sa méthode artistique.

— Ce qui m’étonne chez vous, lui dis-je, c’est que vous agissez tout autrement que vos confrères. Je connais beaucoup d’entre eux et je les ai vus au travail. Ils font monter le modèle sur le piédestal qu’on nomme la table et ils lui commandent de prendre telle ou telle pose. Le plus souvent même ils lui plient ou lui allongent les bras et les jambes à leur guise, ils lui inclinent ou lui redressent le torse et la tête suivant leur désir, tout à fait comme s’il s’agissait d’un mannequin articulé. Puis ils se mettent à la besogne.

Vous, au contraire, vous attendez que vos modèles prennent une attitude intéressante, pour la reproduire. Si bien que c’est vous qui paraissez être à leurs ordres plutôt qu’eux aux vôtres.

Rodin, qui était en train d’envelopper ses figurines de linges mouillés, me répondit doucement :

— Je ne suis pas à leurs ordres, mais à ceux de la Nature.

Mes confrères ont sans doute leurs raisons pour travailler comme vous venez de le dire. Mais, en violentant ainsi la Nature, et en traitant des créatures humaines comme des poupées, ils risquent de produire des œuvres artificielles et mortes. "

 

Le rapport de l'artiste aux corps des modèles a donc été longuement abordé lors de cette lecture mais une question a également été posée : une oeuvre créée dans un environnement particulier -lumière, atmosphère- ne perd-elle pas un peu de son âme en quittant l'atelier de l'artiste pour rejoindre la demeure d'un collectionneur ou la salle d'un musée ? Il semble que Brancusi ait réglé le problème en léguant à l'Etat son atelier en l'état !

 

"Le moulage ne reproduit que l’extérieur; moi je reproduis en outre l’esprit, qui certes fait bien aussi partie de la Nature. Je vois toute la vérité et non pas seulement celle de la surface. J’accentue les lignes qui expriment le mieux l’état spirituel que j’interprète." Auguste Rodin
"Le moulage ne reproduit que l’extérieur; moi je reproduis en outre l’esprit, qui certes fait bien aussi partie de la Nature. Je vois toute la vérité et non pas seulement celle de la surface. J’accentue les lignes qui expriment le mieux l’état spirituel que j’interprète." Auguste Rodin
"Le moulage ne reproduit que l’extérieur; moi je reproduis en outre l’esprit, qui certes fait bien aussi partie de la Nature. Je vois toute la vérité et non pas seulement celle de la surface. J’accentue les lignes qui expriment le mieux l’état spirituel que j’interprète." Auguste Rodin
"Le moulage ne reproduit que l’extérieur; moi je reproduis en outre l’esprit, qui certes fait bien aussi partie de la Nature. Je vois toute la vérité et non pas seulement celle de la surface. J’accentue les lignes qui expriment le mieux l’état spirituel que j’interprète." Auguste Rodin
"Le moulage ne reproduit que l’extérieur; moi je reproduis en outre l’esprit, qui certes fait bien aussi partie de la Nature. Je vois toute la vérité et non pas seulement celle de la surface. J’accentue les lignes qui expriment le mieux l’état spirituel que j’interprète." Auguste Rodin
"Le moulage ne reproduit que l’extérieur; moi je reproduis en outre l’esprit, qui certes fait bien aussi partie de la Nature. Je vois toute la vérité et non pas seulement celle de la surface. J’accentue les lignes qui expriment le mieux l’état spirituel que j’interprète." Auguste Rodin

"Le moulage ne reproduit que l’extérieur; moi je reproduis en outre l’esprit, qui certes fait bien aussi partie de la Nature. Je vois toute la vérité et non pas seulement celle de la surface. J’accentue les lignes qui expriment le mieux l’état spirituel que j’interprète." Auguste Rodin

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Dans les nuages...

9 Avril 2013, 10:03am

Publié par Parisianne

Dans les nuages...

La page d'accueil de Google ce matin présente un dessin d'un écrivain, plume en main, installé à son bureau devant une fenêtre ouverte sur la mer. Il s'agit en fait de Baudelaire, né le 9 avril 1821 à Paris et mort le 31 août 1867, c'est à dire très jeune.

Ce petit clin d'oeil sympathique à ce grand poète m'a donné envie de lui rendre un petit hommage à travers ces quelques photos de son cénotaphe qui se trouve au cimetière du Montparnasse, sa sépulture étant au même endroit, un peu plus loin.  

Le cénotaphe, inauguré en 1902 est l'oeuvre du sculpteur José de Charmoy, il a été réalisé suite à une souscription publique. Initialement, Rodin aurait dû en être l'auteur, une querelle initiée par Ferdinand de Brunetière fervent défenseur des classiques, et donc en opposition avec les auteurs de son temps, retardera le projet qui naîtra finalement sous le ciseau d'un sculpteur moins connu.

 

 

Dans les nuages...
Dans les nuages...

Et puisqu'il est impensable de rendre hommage à un poète sans poésie, je vous offre ce poème que j'aime particulièrement, liminaire du Spleen de Paris,

 

L'Etranger

- Qui aimes-tu le mieux, homme énigmatique, dis ? ton père, ta mère, ta soeur ou ton frère ?
- Je n'ai ni père, ni mère, ni soeur, ni frère.
- Tes amis ?
- Vous vous servez là d'une parole dont le sens m'est resté jusqu'à ce jour inconnu.
- Ta patrie ?
- J'ignore sous quelle latitude elle est située.
- La beauté ?
- Je l'aimerais volontiers, déesse et immortelle ?
- L'or ?
- Je le hais comme vous haïssez Dieu.
- Eh ! qu'aimes-tu donc, extraordinaire étranger ?
- J'aime les nuages... les nuages qui passent... là-bas... là-bas... les merveilleux nuages!

Dans les nuages...

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Dans les pensées du Penseur !

8 Avril 2013, 07:30am

Publié par Parisianne

Dans les pensées du Penseur !

Fidèle à mes habitudes et à mes centres d'intérêt, j'étais ce mercredi à la nocturne du musée Rodin pour une lecture théâtralisée par Charles Gonzales et André Wilms, dont le thème ce mois-ci était le Penseur d'Auguste Rodin.

Nous nous sommes tous demandé un jour ou l'autre à quoi pensait le Penseur, et nombreux sont ceux qui auront tenté d'apporter une réponse, d'imaginer les pensées profondes de cet homme songeur, perché sur son piédestal ! 

A sa création en 1880, Le Penseur ne faisait que 70 cm de haut et s'appelait Le Poète. Destiné à orner la partie supérieure de la Porte de l'Enfer, il représente Dante, auteur de la Divine Comédie ayant fortement inspiré le sculpteur. Penché sur les cercles de l'enfer, il médite sur son oeuvre.

Les spécialistes voient dans la position de cet homme une référence à l'Ugolin de Carpeaux mais aussi au portrait assis de Laurent de Médicis sculpté par Michel Ange.

Rodin dira lui-même à propos du Penseur :"Il ne pense pas seulement avec son cerveau, ses narines dilatées et ses lèvres serrées mais avec chaque muscle de ses bras, de son dos et de ses jambes, avec son poing crispé et ses orteils contractés".

Ou encore "Guidé par ma première inspiration, je conçus un autre penseur, un homme nu, accroupi sur un roc ou ses pieds se crispent. Les poings aux dents il songe. La pensée féconde s'élabore dans son cerveau. Ce n'est point un rêveur. C'est un créateur."

Avec ce Penseur, Rodin rompt avec la tradition qui représente la pensée sous forme d'allégorie, l'artiste devient donc un "homme pensant".

Ci-dessous, un extrait d'une étude de la Porte de l'Enfer par Rainer Maria Rilke (secrétaire de Rodin en 1905 à qui l'on doit un essai Sur Rodin). 

 

"... au centre de cet espace clos se tient immobile le Penseur, l’homme qui voit toute la grandeur et tout le tragique de ce spectacle. Tandis qu’il pense à cela, il est assis, absorbé et muet, lourd d’images et de cogitations. Toute sa force, qui est celle d’un homme en action, pense. Tout son corps est devenu crâne et le sang de ses veines cerveau. S’aspirant en lui-même, pensant de tout son être, il est le point culminant de cette porte, bien qu’au-dessus de lui, trois hommes soient debout. L’élévation les façonne et les découpe aux lointains ; ils ont ensemble courbé la tête ; leurs trois bras convergents sont tendus en avant. Ils désignent vers le bas, le même point, dans le même abîme qui les attire pesamment." Rainer Maria Rilke

 

La notoriété de Rodin passe les frontières et touche certains artistes notamment Munch à qui l'on doit une toile Le Penseur de Rodin dans le jardin du Docteur Linde à Lübeck (1907). Le Docteur Linde, admirateur de l'oeuvre de Rodin a commandé un Penseur pour sa propriété familiale. "Ce Penseur, situé dans la solitude, abrité par des arbres centenaires, sera d'un admirable effet. Vous l'aviez projeté sur votre Porte de l'Enfer comme principe qui s'élève sur les passions humaines. Aussi il pourra être pensé comme ce que l'artiste oppose à l'univers... l'home sapiens en contraste avec la nature et la vie végétative". Linde 1902

 

Nous ne pénétrerons jamais les pensées du Penseur, c'est certainement mieux ainsi.

Un exemplaire est exposé à l'entrée du jardin de l'hôtel Biron à Paris, un autre se penche sur la tombe de Rodin à Meudon. L'oeuvre s'incline devant son créateur en réponse à l'idée de Rodin pour la Porte de l'Enfer qui fait se pencher l'homme sur son oeuvre ! 

 

 

 

 

Dans les pensées du Penseur !

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La naissance d'Eve

23 Mars 2013, 07:08am

Publié par Parisianne

La naissance d'Eve

Je suis en retard mais il n'est jamais trop tard n'est-ce pas pour partager les bons moments. J'étais dernièrement au musée Rodin pour une lecture par Charles Gonzales et Michael Lonsdale sur le thème de la naissance d'Eve. 

Eve, la première femme créée d'après la Genèse dans une côte d'Adam ; Eve, celle qui transgressera les ordres et ira croquer le fruit de l'Arbre de la connaissance du bien et du mal (entre nous, qui aurait pu résister ?) et l'aura fait goûter à Adam, elle n'était pas égoïste !  Ce pêché de gourmandise aura tout de même des conséquences, Dieu chassera l'homme et la femme du jardin d'Eden pour qu'ils n'aient pas l'idée de cueillir le fruit de l'Arbre de vie qui les aurait rendus immortels. Eve sera condamnée à enfanter dans la douleur, à être soumise à son homme dont elle est également avide... (cela se passe de commentaires...) Adam sera quant à lui condamné à travailler pour se nourrir et à mourir. Voilà un résumé, un peu succinct je vous l'accorde, il faut lire la Genèse pour en savoir davantage.

 

C'est autour de ce thème et de La Naissance d'Eve sculptée par Rodin que se sont articulées les lectures poétiques de cette séance. Des extraits de la Genèse bien sûr, mais également des poèmes de Pierre Corneille, de Charles Péguy ou encore de Marceline Desbordes Valmore, Andrée Chédid ou Victor Hugo dont je vous mets ci-dessous "Le  sacre de la femme", c'est le plus simple à trouver. Des textes de Rodin lui-même qui parle de la création de cette oeuvre.

 

L'Eve de Rodin était destinée à être le pendant d'Adam sur la Porte de l'Enfer, dans un projet de 1881. Rodin commença à sculpter une figure fémine mais cette oeuvre restera inachevée pour une raison que je prends pour un clin d'oeil de la femme : le modèle, enceinte dut arrêter de poser ! Sensible à cet (heureux) événement qui l'avait conduit à modifier son oeuvre sans d'abord comprendre pourquoi, le sculpteur la laissera finalement en l'état, sans grande finesse mais avec une pose aussi sensuelle que pudique.

Féminine, tout simplement ?

La naissance d'Eve
La naissance d'Eve
La naissance d'Eve

Victor HUGO - Le sacre de la femme - Ève

(IV)

Ève offrait au ciel bleu la sainte nudité ;

Ève blonde admirait l'aube, sa soeur vermeille.

 

Chair de la femme ! argile idéale ! ô merveille ! 

Pénétration sublime de l'esprit 

Dans le limon que l'Être ineffable pétrit !

Matière où l'âme brille à travers son suaire !

Boue où l'on voit les doigts du divin statuaire !

Fange auguste appelant le baiser et le coeur, 

Si sainte, qu'on ne sait, tant l'amour est vainqueur, 

Tant l'âme est vers ce lit mystérieux poussée, 

Si cette volupté n'est pas une pensée, 

Et qu'on ne peut, à l'heure où les sens sont en feu,

Étreindre la beauté sans croire embrasser Dieu !

Ève laissait errer ses yeux sur la nature.

 

Et, sous les verts palmiers à la haute stature, 

Autour d'Ève, au-dessus de sa tête, l'œillet

Semblait songer, le bleu lotus se recueillait, 

Le frais myosotis se souvenait ; les roses 

Cherchaient ses pieds avec leurs lèvres demi-closes ;

Un souffle fraternel sortait du lys vermeil ; 

Comme si ce doux être eût été leur pareil, 

Comme si de ces fleurs, ayant toutes une âme, 

La plus belle s'était épanouie en femme.

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Ugolin, chez Rodin

7 Février 2013, 10:46am

Publié par Parisianne

Ugolin, chez Rodin

Hier soir avait lieu la soirée de lecture au Musée Rodin. Au programme ce mois-ci, Ugolin, tyran de Pise.

Ugolin della Gherardesca (1220-1289) est le descendant d'une noble famille lombarde. Militaire et homme politique, il fut l'un des plus cruels tyrans du Moyen Age italien. Il gouverne par la terreur jusqu'à la révolte orchestrée par l'archevêque de la ville Ruggierri Ubaldini. Tombé aux mains de ce dernier, Ugolin est condamné à être enfermé avec ses fils

La légende dit que dernier survivant, Ugolin aurait mangé ses enfants. Ce mythe pourrait avoir été construit sur une mauvaise interprétation de la dernière phrase du récit du tyran dans le chant XXXIII de l'Enfer de Dante.

 

"Quand nous fûmes au quatrième jour,
Gaddo se jeta étendu à mes pieds,

et dit : " Père, ne viens-tu pas à mon secours ? "
Il mourut là, et comme tu me vois,
je les vis tomber tous les trois, un par un,
avant le sixième jour ; et je me mis alors,
déjà aveugle, à me traîner sur chacun d'eux,
les appelant pendant deux jours après leur  mort.
Et puis, ce que la douleur ne put, la faim le put. "

 

C'est précisément ce dernier vers qui fut source de mauvaise interprétation. Une interprétation sans doute influencée par les paroles mêmes des enfants, quelques vers plus haut dans le chant, qui disent à leur père se mordant les mains de rage désespérée :

 

" de douleur je mordis mes deux mains ; 
et eux, pensant que c'était par désir
de manger, se levèrent aussitôt
et dirent : "Père, nous souffririons bien moins
si tu nous mangeais ; tu nous as vêtus
de ces pauvres chairs ; enlève-les nous,
"

 

Il ne faut pas plus de quelques vers pour faire naître un personnage tragique ! Ugolin aura donc trouvé une résonnance dans la littérature mais aussi bien sûr dans la peinture (Goya) et la sculpture (Carpeaux et Rodin).

La magnifique statue d'Ugolin de Carpeaux a influencé Rodin. Ce dernier, avant de faire de son groupe une pièce à part, en fera le pendant des amoureux tragiques Paolo et Francesca (Le Baiser). Ugolin se trouve sur le vantail gauche en regardant la Porte de l'Enfer.

Cette lecture faite par Jean-Claude Dreyfus et Charles Gonzales, nous a donc permis d'évoquer le mythe de l'homme mangeur de ses enfants depuis les Dieux de l'Antiquité, Cronos par exemple, jusqu'aux ogres de nos contes pour les petits.

Un parcours littéraire ouvert sur la lecture d'un extrait de Ugolino d'H. W. von Gerstenberg (1737-1823), parsemmé de l'évocation d'Hérode et Hésiode mais également de Rimbaud ou encore de Jules Laforgue dont le Vaisseau fantôme vous fera penser, bien sûr, à une chanson pour enfants, je vous invite à lire ce texte ci-dessous !

Vous l'aurez compris, une soirée intéressante sur un thème assez noir -et un peu ardu parfois- qui nous aura également permis de faire référence à Freud et à Bruno Bettelheim avec sa célèbre Psychanalyse des contes de fées. 

 

 

Ugolin, chez Rodin

LE VAISSEAU FANTOME

Il était un petit navire

Où Ugolin mena ses fils,

Sous prétexte, le vieux vampire!

De les fair’ voyager gratis.

Au bout le cinq à six semaines,

Les vivres vinrent à manquer,

Il dit:« Vous mettez pas en peine;

«Mes fils n’ m’ont jamais dégoûté ! »

On tira z’à la courte paille,

Formalité! raffinement!

Car cet homme il n’avait d’entrailles

Qu’ pour en calmer les tiraillements,

Et donc, stoïque et légendaire ;

Ugolin mangea ses enfants,

Afin d’ leur conserver un père…

Oh! quand j’y song’, mon cœur se fend !

Si cette histoire vous embête,

C’est que vous êtes un sans-cœur!

Ah! j’ai du cœur par d’ssus la tête,

Oh! rien partout que rir’s moqueurs !…

Jules Laforgue (1860-1887)

 

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