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Les musardises de Parisianne

Les Mots dans les yeux

28 Septembre 2022, 17:00pm

Publié par Parisianne

©Yves Lacoutière

©Yves Lacoutière

Evade-nous,
enlace-nous dans la vague de ta jupe aux lignes de vies tempêtueuses.

Emmène-nous tutoyer les nuages
et, tels les sylphes et sylphides,
nous irons valser avec le soleil dans un souffle de lumière.

©Anne Lurois-Delassise

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"Qu'importe le flacon pourvu qu'on ait l'ivresse" disait Musset... et bien non !

26 Septembre 2022, 09:00am

Publié par Parisianne

Jeux de couleurs façon ParisiAnne

Jeux de couleurs façon ParisiAnne

Contredire Musset, il faut oser me direz-vous ! Et bien j'ose parce que pour moi le "flacon" compte au moins autant, si ce n'est plus, que "l'ivresse" !

Et là, je vous sens perplexes. N'ayez pas peur de le dire, vous vous demandez sans aucun doute où je veux en venir, vous vous dites même "mais que lui arrive t-il, aurait-elle abusé des élixirs du flacon, serait-elle partie pour des paradis artificiels ?"

Que nenni, aujourd'hui, parlons : vaisselle ! Là, je reconnais que c'est un de mes (nombreux) points faibles, j'adore la vaisselle !

 

On les appelle les arts de la table. Inséparables d’un autre art, celui de la gastronomie, ils sont, depuis plus de trois siècles, le reflet d’un certain art de vivre à la française. La céramique, l’orfèvrerie et la verrerie expriment les innovations, les goûts et les mœurs des époques qui les ont vu vivre.

Inès Heugel, Les Arts de la table français

Hommage à la grand-mère de Gilles

Hommage à la grand-mère de Gilles

Mes grands-mères, ma maman, et maintenant ma belle-maman et sa maman (que je n'ai pas connue) - vous suivez ? - m'ont laissée gardienne de leur vaisselle !

Il faut dire que de toutes ces dames, en particulier du côté maternel - parce que par bonheur mon papa a des sœurs et j'ai donc la chance d'avoir deux tantes adorables - il n'en reste qu'une et je suis celle-là !

Donc voilà, la vaisselle encombre nos buffets et placards, certes, mais c'est tellement chouette de pouvoir profiter de ces héritages qui nous offrent de jolies tables que j'accorde aussi souvent que possible aux fleurs du jardin.

Hommage à ma grand-mère maternelle

Hommage à ma grand-mère maternelle

Saviez-vous que les fleurs n'apparaissent sur les tables qu'à la fin du XVIIe siècle ? Avant cela, pas réellement de décor, et avant le XIXe siècle pas non plus, dans les demeures, de pièce dédiée essentiellement à la salle à manger. Bien souvent, on installe les tables en fonction du nombre de convives, peut-être aussi de la saison, dans une pièce ou une autre.

Les nappes de couleurs font également une apparition tardive, vers les années 1920, on opte auparavant pour des nappes blanches, parfois monogrammées. 

C'est passionnant de voir l'évolution au fil des siècles. Vous aurez tous entendu parler des services dits "à la française" (tous les plats sont sur la table) ou "à la russe", le service est fait par des valets qui proposent chaque plat aux convives. 

J'ai pour habitude, pour des questions de pratique et de dressage des assiettes, de servir en cuisine la plupart du temps. Mais, pour être honnête, je ne fais jamais de grande tablée ! Et vous ?

"Qu'importe le flacon pourvu qu'on ait l'ivresse" disait Musset... et bien non !

Les premiers modèles de tasses sont appelés « tasses à moka », du nom d’une variété de café originaire d’Arabie. En faïence ou en porcelaine, ces tasses sont cylindriques, assez hautes et disposent d’une anse verticale. Les lignes des tasses évoluent peu depuis leur naissance, mais une tendance s’affirme assez vite : les récipients réservés au chocolat ou au thé s’évasent davantage… D’une contenance plus importante, on parle de « tasses à déjeuner » ; plus petites, ce sont les modèles moka.

Clémentine Pileau-Peyre et Carine Albertus Photos Julien Chamou Vaisselle vintage, 200 ans de styles

Les assiettes, les couverts, les verres bien sûr et les plats de service, c'est un monde merveilleux ! Mais je reconnais une vraie faiblesse pour les services à thé et à café ! Rien de plus élégant qu'une jolie théière, une belle cafetière un peu ancienne, un sucrier et un pot à lait, non ? Et même les tasse à expresso que nous utilisons souvent aujourd'hui ne manquent pas d'un certain intérêt !

"Qu'importe le flacon pourvu qu'on ait l'ivresse" disait Musset... et bien non !

Le premier vrai grand service est créé pour le roi Louis XV, par la manufacture de Vincennes. En faïence, sur fond bleu céleste, il a un succès immédiat, et son prix est bien inférieur à celui de la vaisselle d’or et d’argent. Les assiettes en céramique sont gaies et colorées, et ne risquent pas d’être fondues pour renflouer les caisses du royaume…

Vaisselle vintage, Christine Pomeau-Peyre et Carine Albertus

"Qu'importe le flacon pourvu qu'on ait l'ivresse" disait Musset... et bien non !
Hommage à Belle-maman et à ses nombreuses pièces Arcopal ainsi qu'à ses talents de couturière

Hommage à Belle-maman et à ses nombreuses pièces Arcopal ainsi qu'à ses talents de couturière

Entre les grandes marques, Vincennes, qui deviendra Sèvres, Chantilly, Creil, Limoges bien sûr, mais aussi Sarguemines, ou Gien, et les nombreuses autres ; entre la porcelaine tendre et la faïence fine, il y a beaucoup à découvrir et je suis loin de maîtriser le sujet, mais nous y reviendrons sûrement parce que la question m'intéresse. 

Et qui sait si un jour, à force de parler vaisselle, je ne finirai pas par parler cuisine ? 

Bibliographie, parce que forcément tout passe aussi par les livres !

Les Arts de la table français, Inès Heugel, Les Carnets du chineur. Editions du Chêne, 1998

La Passion des arts de la Table, Inès Heugel, photosChristian Sarramon. Editions du Chêne, 2005

Vaisselle vintage, Christine Pomeau-Peyre et Carine Albertus, photos Julien Chamoux. Editions Hoëbeke, 2009

 

Bien sûr je n'ai pas que la vaisselle des grands-mères, il faut bien aussi un peu de modernité !
Bien sûr je n'ai pas que la vaisselle des grands-mères, il faut bien aussi un peu de modernité !
Bien sûr je n'ai pas que la vaisselle des grands-mères, il faut bien aussi un peu de modernité !
Bien sûr je n'ai pas que la vaisselle des grands-mères, il faut bien aussi un peu de modernité !

Bien sûr je n'ai pas que la vaisselle des grands-mères, il faut bien aussi un peu de modernité !

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Certaines n'avaient jamais vu la mer, Julie Otsuka

24 Septembre 2022, 09:00am

Publié par Parisianne

Certaines n'avaient jamais vu la mer, Julie Otsuka

L'article qui suit date un peu, c'est une re-publication, ce que je fais rarement, mais celle-ci est volontaire.

Après dix ans de silence, Julie Otsuka publie un nouveau roman dont vous aurez sans doute entendu parler, La Ligne de nage, paru dans la Collection Du monde entier de Gallimard.

A cette occasion, j'ai eu la chance, grâce à Babelio, et Gallimard, de recevoir ce livre et d'être invitée ce lundi 26 septembre à une rencontre avec l'auteur. Je vous en reparlerai donc bientôt.

Il me semblait logique, voire nécessaire, de relire ce précédent roman pour me replonger dans l'écriture et l'univers de cette auteure.

Il me reste d'ailleurs à trouver également son premier roman, Quand l'empereur était un dieu paru en 2004 chez Phébus, et que je n'ai pas encore lu.

Certaines n'avaient jamais vu la mer, Julie Otsuka

Elles ont entre 12 et 37 ans, viennent de Tokyo, Hiroshima, Hokkaido, de la ville, de la montagne, de la campagne, sont filles de pêcheurs mais aussi de paysans et certaines n'avaient jamais vu la mer... 

Ces jeunes japonaises se retrouvent unies dans l'attente d'une nouvelle vie, toutes sur un navire en partance pour l'Amérique, toutes attendues là-bas par un mari qu'elles n'ont pas choisi mais qui a payé leur dot à leurs familles. Pendant la traversée, inquiétudes et questions alternent avec certitudes d'un avenir meilleur.

à présent nous étions sur le bateau, le passé était derrière nous et il n'y avait pas de retour possible " […] " Si tu reviens, nous avait écrit notre père, tu attireras la honte sur la famille tout entière...

Lorsqu'elles arrivent, les jeunes maris fringants dont elles conservent la photo dans leur kimono sont des hommes fatigués par le labeur, aigris, violents parfois. Rares sont ceux qui ont fait fortune comme elles le pensaient.
Elles ont échappé aux rizières pour travailler dans les champs sous le joug d'exploitants blancs.

Leur rêve ne devient pas réalité "et nous comprenions que jamais nous n'aurions dû partir de chez nous ".

La vie s'écoule, laborieuse toujours, douloureuse souvent,

quelque fois dans son sommeil l'homme posait sur nous ses mains épaisses et noueuses et nous essayions de ne pas nous soustraire à son étreinte. Parfois il ouvrait les yeux dans la lueur de l'aube, voyait notre tristesse et nous promettait que les choses allaient changer. Et nous avions beau lui avoir lancé quelques heures plus tôt : "Je te déteste " alors qu'il nous grimpait dessus dans l'obscurité, nous le laissions nous réconforter car il était tout ce que nous avions. Il arrivait qu'il regarde à travers nous sans nous voir, et c'était là le pire. Est-ce que quelqu'un sait qui je suis ici ?

Effectivement, quelqu'un d'autre qu'un membre de la communauté japonaise s'intéresse-t-il au sort de ces familles ? C'est très rare. Etrangers ils sont, étrangers ils restent, même après de nombreuses années de vie et de labeur sur les terres d'Amérique.
" Ils ne voulaient pas de nous comme voisins dans leurs vallées. Ils ne voulaient pas de nous comme amis. "

Mais ces travailleurs infatigables prennent vite le contrôle de certaines filières de production de légumes, par exemple. Les jalousies se déchaînent alors très vite, entraînant d'inévitables exactions.

Parfois, ils passaient devant nos cabanes et criblaient nos fenêtres de chevrotines, ou mettaient le feu à nos poulaillers. Parfois ils dynamitaient nos remises. Brûlaient nos cultures alors qu'elles commençaient à mûrir...

Malgré les difficultés, des enfants naîtront, certains resteront ancrés dans la tradition japonaise des parents, d'autres seront de vrais petits américains et renonceront à la culture de leurs ancêtres.
Mais tous, à l'heure  de la guerre deviendront des suspects, des ennemis à neutraliser, des espions en puissance. Et alors que pour quelques uns la vie était devenue plus clémente, tout va basculer de nouveau.

" Du jour au lendemain, nos voisins se mirent à nous regarder différemment." "Dans les journaux et à la radio, on commençait à parler de déportation de masse. "

C'est ainsi que les japonais disparaissent des villes et des campagnes où ils étaient installés et que si quelques uns s'inquiètent de leur sort, d'autres disent simplement " il faut bien continuer à vivre "...

Cette vie qui continue voit disparaître peu à peu des mémoires ces déracinés, déportés sans que personne ne sache réellement ce qu’ils sont devenus.

Et au bout d’un moment, nous nous apercevons que nous parlions d’eux au passé. Certains jours, nous oublions qu’ils étaient parmi nous, même s’ils ressurgissent souvent tard le soir, à l’improviste, dans nos rêves.

Ce beau roman, prix Fémina Etranger 2012, s'inspire de la réalité de la vie des nombreux immigrants japonais arrivés aux Etats-Unis au début du XXe siècle. L'écriture sobre fait parler un "nous" qui ne met pas en scène un personnage unique mais bien toutes ces femmes qui s'expriment d'une seule voix pour conter leur vie en une suite de longues énumérations lancinantes. Parfois, l'une d'entre elle se distingue et vient se faire entendre en criant un "je" retentissant alors exprimé au présent, l'ensemble du texte étant par ailleurs à l'imparfait. Puis peu à peu des noms, des prénoms se glissent dans la litanie, un enfant, un mari, un marchand, tous ces anonymes qui surgissent au milieu de ce « nous » collectif pour donner une vie à ceux qui seront vite effacés.

Un roman sur fond d'Histoire qui résonne comme un choeur douloureux sans larmoiement ni pathos. Très fort, très beau et aussi très instructif. Un livre marquant.

Julie Otsuka, Certaines n'avaient jamais vu la mer. Editions Phebus

Prix Femina Etranger 2012

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Les Mots dans les yeux

21 Septembre 2022, 17:00pm

Publié par Parisianne

©Yves Lacoutière

©Yves Lacoutière

Faut-il courir les mers pour trouver un trésor ? Doit-on être corsaire ou flibustier pour voir les ors briller ?

Je serais volontiers sitelle ou écureuil, ou simple promeneur aux yeux écarquillés, pour cueillir en nos bois les merveilles de lumière, tombant en pluie dorée entre mes mains offertes.

©Anne Lurois-Delassise

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Faire revivre Françoise Sagan

19 Septembre 2022, 09:00am

Publié par Parisianne

1953 L'Opéra comique affiche une soirée lyrique consacrée à Maurice Ravel. [...] le programme obligé est comme toujours l'Heure espagnole, sur un livret de Franc-Nohain, et l'Enfant et les sortilèges, sur un livret de Colette.
A l'entracte vient s'asseoir près de moi une petite demoiselle dont je remarque tout de suite la vivacité du regard. [...] je me rends compte que cette jeune personne glisse discrètement un œil sur ma partition de l'Enfant et les sortilèges.
Quand nous quittons l'Opéra, elle me confie : "j'aime bien la musique de Ravel, mais c'est surtout pour Colette que je suis venue !"
Début d'une conversation qui se prolonge dans un café du boulevard des Italiens. Entretien fort agréable car elle pétille d'intelligence.
Nous nous reverrons de temps à autre, toujours avec plaisir

Jean Périsson, Une vie de héraut

Faire revivre Françoise Sagan

1956 Chez le coiffeur, je feuillette un magazine. En tournant une page, je suis tombé sur un grand article consacré à Françoise Sagan. Rien de remarquable à cela. L'article est d'ailleurs assez banal. Mais à la page suivante, une grande photo me saute aux yeux. Là, je crois défaillir. Françoise ! Ce n'est pas possible, Françoise... certes elle a changé de nom, mais c'est bien elle, Françoise, ma charmante rencontre de la soirée Ravel, et les longues conversations qui ont suivi...
J'ai lu Bonjour Tristesse [...]
Comment ai-je pu être aveugle pour ne pas faire le rapprochement ! Cette petite Françoise qui rêvait de devenir écrivain, ne méritait-elle pas que son rêve se réalisât ?

Jean Périsson, Une Vie de héraut

Si je commence en citant Jean Périsson dont je vous ai parlé dernièrement à propos de Carmen à Pékin, ce n'est pas un hasard.

Comme lui, comme beaucoup, j'ai lu Bonjour tristesse, et j'aime Françoise Sagan. Alors entendre Jean me raconter sa rencontre avec la jeune Françoise Quoirez me l'a rendue plus proche encore. 

En 2017, je travaillais avec Jean Périsson chaque mardi quand j'ai vu qu'au Théâtre du Petit Montparnasse se jouait une pièce Françoise par Sagan, d'après Je ne renie rien, une compilation des nombreux entretiens donnés par Françoise Sagan dans une trentaine de journaux et avec des journalistes différents, entre 1954 (date de parution de Bonjour Tristesse) et 1992 . Caroline Loeb en tête d’affiche, je n’ai pas hésité une seconde.

La presse, les gens ont parlé de phénomène. Je suis un écrivain dont on lit les livres. Cela n'a rien de phénoménal. C'est ce qu'on peut appeler un destin si l'on est romantique et un peu emphatique ; une carrière si l'on est cynique et pratique ; un accident si l'on n'aime pas mes livres ; une bonne chose si on les aime ; une réussite si on se place du point de vue du succès...

Françoise Sagan, Je ne renie rien

Pour mon travail de stimulation des grands seniors, je dois sans cesse trouver des sujets variés pour les intéresser. Je savais que Sagan était un sujet pour Jean, alors je suis allée voir la pièce et j'ai relu les entretiens. Et je me suis triplement régalée : de la magnifique interprétation de Caroline Loeb qui a rendu Françoise Sagan vivante ; de la lecture de ces entretiens pleins du facétieux esprit de l'auteure ; de moments privilégiés partagés avec Jean en lui lisant des extraits du livre et lui expliquant mon émotion pendant la représentation.

Je me souviens encore avec hilarité du jour où j'ai dit à Karajan que l'œuvre de Bruckner que je préférais, c'était La Truite !

Françoise Sagan, Je ne renie rien

Vous imaginerez sans difficultés la réaction d'un chef d'orchestre à ce souvenir de Françoise Sagan ! Pour nous aussi ce fut un moment d'hilarité !

Le seul sujet pour un écrivain, c'est ce qui se passe dans la tête et le cœur des gens. Le reste est anecdotique.

Faire revivre Françoise Sagan

Françoise la fragile, l'excessive, la noctambule, l'enfant gâtée, comme un fruit abîmé. Je pourrais vous mettre encore bien d'autre citations extraites de ces entretiens tant mon livre est annoté.

Ces entretiens, je les avais parcourus déjà mais voir la pièce, entendre Caroline Loeb faire revivre Françoise Sagan par la posture, l'expression, m'a donné envie de les relire pour pouvoir les partager avec Jean Périsson. 

Mon passe-temps favori, c'est laisser passer le temps, avoir du temps, prendre mon temps, perdre mon temps, vivre à contretemps. Je déteste tout ce qui réduit le temps, c'est pourquoi j'aime la nuit. Le jour, c'est un monstre, ce sont des rendez-vous. Le temps de nuit, c'est une mer étale. Cela n'en finit pas. J'aime voir le lever de soleil avant d'aller dormir.

Aujourd'hui, j'ai vu par hasard que la pièce revenait à Paris, alors si vous aimez Sagan, à vous d'aller voir cette interprétation magnifique.

Mon souvenir est de 2017 au théâtre du Petit Montparnasse, et il est  encore très présent alors foncez !

La seule terreur que puisse avoir un écrivain, c'est de ne plus entendre les voix qui l'habitent.

Françoise Sagan, Je ne renie rien

Pour entendre les mots de Françoise Sagan, n'hésitez pas, allez écouter Caroline Loeb, vous ne serez pas déçus.

Faire revivre Françoise Sagan

Caroline Loeb, Françoise par Sagan, mise en scène Alex Lutz à la Divine Comédie Paris 9e, du 3 septembre au 31 décembre.

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François Cheng, L'Eternité n'est pas de trop

17 Septembre 2022, 09:20am

Publié par Parisianne

François Cheng, L'Eternité n'est pas de trop

Ce bas monde est vraiment d’une diversité incroyable » […] Les visages ne sont pas pareils, il en va de même pour le destin de chacun, les heureux, les malheureux, les enviables, les pitoyables ; est-ce que l’idéal serait que tous aient une figure identique, un destin identique ? Peut-être pas. Si c’était le cas, comment chacun pourrait-il porter un nom ? Comment pourrait-on être saisi devant un homme aux vertus exceptionnelles, ou avoir le cœur qui bat devant une beauté sans pareille ? Ce serait comme de manger chaque jour le même plat. Ce serait le comble de la monotonie et de l’ennui. Plus il y a de gens différents, plus c’est intéressant.

Nous avons tous à un moment ou à un autre entendu François Cheng s'exprimer avec cette manière si attachante qui lui est propre, avec une sagesse que nous ne pouvons que lui envier même s'il dit lui-même qu'il ne cherche pas la sagesse.

Je n'avais jamais pris le temps de lire aucun de ses livres, lorsque par hasard L'Eternité n'est pas de trop a croisé mon chemin et s'est glissé dans ma poche pour mes trajets en métro. 

Lan-ying ouvre sa paume et laisse Dao-sheng y coller la sienne. Instant de muette communion et d'extase hors paroles. L'intimité née de deux mains en symbiose est bien celle même de deux visages qui se rapprochent, ou de deux cœurs qui s'impriment l'un dans l'autre. La corolle à cinq pétales, quand elle éclôt, est un gant retourné de l'intérieur vers l'extérieur, elle livre son fond secret, se laisse effleurer par la brise tiède qui sans cesse passe, ou butiner sans fin par d'avides papillons et abeilles qui accourent. Entre deux mains aux doigts noués, le moindre frémissement bruit de battements d'ailes [...]. La main, ce digne organe de la caresse, ce qu'elle caresse ici n'est pas seulement une autre main, mais la caresse même de l'autre.

De flamme et d'azur, François Cheng et Kim En Joong

De flamme et d'azur, François Cheng et Kim En Joong

Sensiblement à la même période, je visitais le musée Cernuschi, pour y préparer une séance de travail, où se tenait une exposition très belle réunissant François Cheng - académicien et poète d'origine chinoise - et Kim En Joong - peintre et père dominicain d'origine coréenne. L'alliance de la peinture avec la calligraphie et la littérature offrait un ensemble d'une grande sensibilité. Vous pouvez le voir sur les deux photos que je joints à cet article.

La vraie beauté est élan même vers la beauté, fontaine à la fois visible et invisible, qui jaillit à chaque instant depuis la profondeur des êtres en présence. Puisque la beauté est rencontre, toujours inattendue, toujours inespérée, seul le regard attentif peut lui conférer étonnement, émerveillement, émotion, jamais identiques.
La beauté est fragile, Dao-sheng le sait, à ses dépens. Elle advient sur la crête de l'instant. La moindre négligence et elle s'évanouit. Et tant d'éléments extérieurs, brutaux, cruels, qui viennent l'étouffer.

Très vite, la beauté de la langue et la poésie sensible du roman de François Cheng m'ont entraînée. L'histoire est simple, au XVIIe siècle, à la fin de la dynastie Ming, un homme qui n'a pas prononcé ses vœux, quitte le monastère dans lequel il vivait depuis trente ans pour retrouver la seule femme qu'il a jamais aimée, une jeune fille de grande famille dont - pour leur plus grand malheur - il n'a fait que croiser le regard silencieux.

Qu'arrive-t-il quand on n'est plus "en présence" ? La beauté subsiste-t-elle lorsqu'on ne peut plus se voir ? Et qu'en est-il de l'amour qui lui est si proche et si lié ? Comme la beauté, l'amour est rencontre. Qu'arriverait-il si l'amour était privé de la présence ?

Au-delà de ce qui pourrait paraître une simple histoire d'amour, finalement assez banale, l'auteur nous entraîne dans une réflexion humaine, voire spirituelle sur fond d'histoire d'une société chinoise dans laquelle la femme ne s'appartient pas. 

Les échanges entre le principal protagoniste et les missionnaires jésuites sont riches d'humanité et d'interrogations.

De flamme et d'azur, François Cheng et Kim En Joong

De flamme et d'azur, François Cheng et Kim En Joong

Soleil levant, soleil couchant, lune cachée, lune présente, nous ne nous oublierons pas un seul instant, restons à chaque instant ensemble !

Un très beau texte qui nous entraîne dans la découverte d'un amour au-delà de toutes contingences, et nous offre à découvrir un monde d'une grande poésie et d'une extrême violence. 

Un auteur à découvrir assurément pour ceux qui ne l'auraient pas encore lu.

Nos chemins se recroiseront-ils ? Peu importe. Car nous sommes déjà amis ; nous ne nous oublierons plus.
- En cette vie, et après la mort ?
- Puisque nous partons ensemble pour l'éternité !

François Cheng, L'Eternité n'est pas de trop

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Les Mots dans les yeux

14 Septembre 2022, 17:00pm

Publié par Parisianne

©Yves Lacoutière

©Yves Lacoutière

Remisé loin de tout et de tous, je pourrais être nostalgique de l’époque bénie des charrues et des ballots de paille que l’on chargeait à l’épaule. Il n’en est rien, je savoure ma part d’ombre.

Une feuille glissée à l’oreille telle une danseuse de flamenco, j’héberge, sous ma jupe rouillée, une famille de hérissons et les oiseaux me chatouillent le capot lorsqu’ils se bécotent en chantant. Une fouine curieuse et oublieuse a même caché, à l’abri de ma défroque, un œuf dérobé au poulailler ; c’est une pie qui l’a volé !

Après des années de tumulte, les sillons au clair de la lune, et les moissons odorantes, je goûte l’écho du silence de ma terre.

©Anne Lurois-Delassise

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Au Musée Picasso : Maya Ruiz-Picasso, fille de Pablo

12 Septembre 2022, 09:00am

Publié par Parisianne

Au Musée Picasso : Maya Ruiz-Picasso, fille de Pablo

l'Hôtel Salé, le plus grand, le plus extraordinaire, pour ne pas dire extravagant des grands hôtels parisiens du XVIIe siècle.

Musée Picasso - Bruno Foucart 1985

Au Musée Picasso : Maya Ruiz-Picasso, fille de Pablo

Aujourd'hui, une échappée dans le Marais, au musée Picasso dans ce magnifique hôtel particulier qu'est l'Hôtel Salé où je vous ai déjà emmenés l'an dernier. Pour ceux qui auraient oublié c'est ici. Vous noterez que la photo de l'Hôtel n'est pas la même !

Je ne suis pas spécialiste de Picasso et pas toujours sensible à son travail mais les lieux sont superbes et ne me laissent jamais indifférente. N'oubliez pas de regarder également le mobilier et les lustres, ils sont l'œuvre de Diego Giacometti, c'est le cas de la chaise sur la photo ci-dessous.

Au Musée Picasso : Maya Ruiz-Picasso, fille de Pablo
Au Musée Picasso : Maya Ruiz-Picasso, fille de Pablo
Au Musée Picasso : Maya Ruiz-Picasso, fille de Pablo
Au Musée Picasso : Maya Ruiz-Picasso, fille de Pablo
Au Musée Picasso : Maya Ruiz-Picasso, fille de Pablo

Ce qui va nous occuper aujourd'hui, c'est la très belle exposition que se tient au premier étage de l'Hôtel Salé jusqu'au 31 décembre 2022, cette exposition qui nous montre le goût de l'artiste pour le thème de l'enfance. Et c'est très touchant.

Certains pourront objecter que Picasso a eu une vie personnelle certainement très perturbante pour ses enfants, j'en conviens, je n'ai d'ailleurs aucune sympathie pour l'homme. Mais en voyant les oeuvres exposées, nombreuses provenant de collections particulières, j'ai découvert la tendresse d'un père pour sa première fille (un fils Paulo était né 14 ans auparavant).

Michel Cot - Profil Pablo Picasso et Maya à côté de la sculpture Tête de femme (Dora Maar) 1955

Michel Cot - Profil Pablo Picasso et Maya à côté de la sculpture Tête de femme (Dora Maar) 1955

A voir cette photo, on pourrait se dire que le père et sa fille regardent vers l'avenir. Or en cette années 1955, alors qu'ils travaillent ensemble sur le film de Henri-Georges Clouzot, Le Mystère Picasso, ils ignorent encore qu'ils ne partageront plus que quelques années de complicité. Picasso n'accepte pas le mariage de sa fille chérie en 1960, et elle part pour ne jamais revenir. Un film très intéressant présenté en début de parcours nous explique que Maya a appris la mort de son père en écoutant les actualités avec ses enfants. 

Prenez quelques instants pour regarder cette courte présentation du film de Clouzot, et notez au passage la musique de Georges Auric du groupe des Six et Claude Renoir, fils de Pierre Renoir le peintre, pour la photo.

Au Musée Picasso : Maya Ruiz-Picasso, fille de Pablo
Au Musée Picasso : Maya Ruiz-Picasso, fille de Pablo
Au Musée Picasso : Maya Ruiz-Picasso, fille de Pablo
Au Musée Picasso : Maya Ruiz-Picasso, fille de Pablo

Avant d'aborder le sujet Maya, il faut bien sûr parler de sa mère, Marie-Thérèse Walter qui n'a que 17 ans quand Picasso fait sa rencontre en 1927. Il a 45 ans et est marié à Olga, il n'est donc pas envisageable de s'afficher avec cette très jeune fille qui restera cachée, mais évoquée dans l'œuvre du maître, vous pouvez dans les images ci-dessus voir deux portraits de Marie-Thérèse et ses initiales glissées dans la Guitare à la main blanche (1927).

Maya naît en 1935. Elle est la première fille de Picasso qui a déjà un fils, et aura ensuite Paloma et Claude.

Comment ne pas être sensible à la beauté des dessins ci-dessous qui dénotent une tendre attention portée au bébé et à sa jeune maman.

Au Musée Picasso : Maya Ruiz-Picasso, fille de Pablo
Au Musée Picasso : Maya Ruiz-Picasso, fille de Pablo
Au Musée Picasso : Maya Ruiz-Picasso, fille de Pablo
Au Musée Picasso : Maya Ruiz-Picasso, fille de Pablo
Au Musée Picasso : Maya Ruiz-Picasso, fille de Pablo
Au Musée Picasso : Maya Ruiz-Picasso, fille de Pablo

Les nombreux dessins que l'on peut admirer au long du parcours nous permettent de voir grandir Maya. Ce qui est frappant et qui a tout de suite interpellé "ma vieille dame" du mercredi, c'est l'absence de sourire sur le visage de la petite fille. Picasso demandait à Maya de ne pas sourire. Et pourtant, dans les nombreuses photos  présentées dans l'exposition, on voir que c'est une enfant lumineuse, extrêmement souriante.

Comment expliquer cette volonté de son père de la représenter le visage fermé ?

Au Musée Picasso : Maya Ruiz-Picasso, fille de Pablo
Au Musée Picasso : Maya Ruiz-Picasso, fille de Pablo
Au Musée Picasso : Maya Ruiz-Picasso, fille de Pablo
Au Musée Picasso : Maya Ruiz-Picasso, fille de Pablo

Quatorze portraits peints ! Maya est celle qui a été la plus représentée par son illustre papa !

Voyez la série qui suit, Maya au bateau, Maya à la poupée, Maya au tablier à carreaux, etc. 

Et, petite parenthèse, imaginez une jeune maman, américaine, faisant la visite avec son bébé dans les bras. Nous nous sommes arrêtées pour observer la manière dont cette toute petite fille était attirée par les couleurs des tableaux. C'était juste incroyable de voir l'attention et l'excitation d'un si jeune enfant ! J’ai échangé quelques mots avec la maman touchée de notre attention. Comme quoi, il n'y a pas d'âge pour réagir à l'œuvre de Picasso !

Au Musée Picasso : Maya Ruiz-Picasso, fille de Pablo
Au Musée Picasso : Maya Ruiz-Picasso, fille de Pablo
Au Musée Picasso : Maya Ruiz-Picasso, fille de Pablo
Au Musée Picasso : Maya Ruiz-Picasso, fille de Pablo
Au Musée Picasso : Maya Ruiz-Picasso, fille de Pablo
Au Musée Picasso : Maya Ruiz-Picasso, fille de Pablo
Au Musée Picasso : Maya Ruiz-Picasso, fille de Pablo
Au Musée Picasso : Maya Ruiz-Picasso, fille de Pablo

Des dessins, des peintures mais aussi des souvenirs. Souvenirs d'enfance prêtés par Maya pour enrichir cette exposition, des personnages de papier faits par son père pour distraire la petite fille pendant la guerre, une poupée de fortune, des assemblages étonnants, tout un monde de l'imaginaire porté par un père fasciné et fascinant !

Je vous épargne les photos de la dernière partie de l'exposition qui nous montrent les "reliques" : vieux manteaux, vieilles chaussures mais aussi ongles et cheveux de l'artiste qui, très superstitieux, les envoyait à Marie-Thérèse et Maya pour qu'elles les conservent pieusement... qu'elles se soient exécutées de son vivant, admettons. Que les ongles du maître soient aujourd'hui encore dans une petite boîte exposée en musée me dépasse un peu. Je n'ai d'ailleurs pas été voir de près, c'est le genre de chose qui m'indispose !

Au Musée Picasso : Maya Ruiz-Picasso, fille de Pablo
Au Musée Picasso : Maya Ruiz-Picasso, fille de Pablo
Au Musée Picasso : Maya Ruiz-Picasso, fille de Pablo
Au Musée Picasso : Maya Ruiz-Picasso, fille de Pablo
Au Musée Picasso : Maya Ruiz-Picasso, fille de Pablo
Au Musée Picasso : Maya Ruiz-Picasso, fille de Pablo
Au Musée Picasso : Maya Ruiz-Picasso, fille de Pablo
Maya et Marie-Thérèse

Maya et Marie-Thérèse

La visite est terminée, il temps d'emprunter le magnifique escalier dans l'autre sens !

Au Musée Picasso : Maya Ruiz-Picasso, fille de Pablo

Maya Ruiz-Picasso, Fille de Pablo, au Musée Picasso - 5, rue de Thorigny Paris

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Muriel Barbery, Une Rose seule

10 Septembre 2022, 09:00am

Publié par Parisianne

Muriel Barbery, Une Rose seule

Le son de la pluie sur le parapluie lui fit du bien, elle rêva un instant de vivre dans une goutte pleine et close, sans ailleurs ni autrefois, sans perspectives ni désir.

Vous aurez peut-être remarqué que le dernier roman de Muriel Barbery est dans la sélection du Goncourt, alors avant de le lire, je me dois de vous parler de celui-ci, lu il y a quelques temps déjà et beaucoup aimé.

L'histoire en deux mots :

Rose arrive au Japon pour la première fois. Elle vient à la demande de son père qu'elle n'a pas connu et qui à sa mort a laissé une lettre à son intention. La jeune femme doit alors apprivoiser l'idée d'un père marchand d'art contemporain dont elle ignore tout, mais également un pays avec des codes bien particuliers et des merveilles que son père a décidé de lui faire découvrir en la faisant conduire de temples en jardins.

Muriel Barbery, Une Rose seule

La vie est transformation. Ces jardins sont la mélancolie transformée en joie, la douleur transmuée en plaisir. Ce que vous regardez ici, c'est l'enfer devenu beauté.

Un roman qui se passe au Japon donc, et nous offre en plus du voyage un foisonnement d'émotions, de sentiments partagés entre la colère et la joie, la peine et l'incompréhension. Rose va partir en quête d'explications sur sa naissance mais c'est elle qu'elle va trouver, guidée par le bras droit de son père.

C'est beau comme un jardin fleuri, délicat et sensuel.

Je vous invite vraiment, si ce n'est déjà fait, à lire ce très agréable roman avant de vous pencher sur le nouveau.

Muriel Barbery, Une Rose seule

Le Japon est un pays où on souffre beaucoup mais où on n’y prend pas garde. Pour récompense de cette indifférence au malheur, on récolte les jardins où les dieux viennent prendre le thé.

Muriel Barbery, Une Rose seule

Muriel Barbery, Une rose seule. Actes Sud

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Les Mots dans les yeux

7 Septembre 2022, 17:00pm

Publié par Parisianne

©Yves Lacoutière

©Yves Lacoutière

« Taquiner l’éphémère et se croire éternel. »

- Tu nous la joues poète ?

- Non, je t’observe ! Tu cueilles avec mille précautions ce pissenlit, tu le protèges de la main, tu l’inscrits dans une composition en pensant que demain il ne sera plus mais que tu auras capturé sa beauté éphémère. Qui est le plus éphémère ?

- Que veux-tu dire ?

Se voir éternel / Et taquiner l’éphémère - / Printemps de la terre.

- Tu n’es pas très clair, là ! Et puis, il est nul ton haïku !

Souffle de la terre /  Ignorant de tes saisons - / Renaîtra sans cesse.

- J’ai compris, arrête de parler japonais ! Et réponds à ma question !

Souffle sur ta fleur / Ses aigrettes à ton automne  / Fleuriront ta tombe.

- Je suis l’éphémère !

©Anne Lurois-Delassise

Voilà ma petite composition qui a fait naître cette fantaisie

Voilà ma petite composition qui a fait naître cette fantaisie

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