Une part de ciel, Claudie Gallay
Beaucoup d'entre vous savent déjà que Claudie Gallay est une auteure que j'apprécie particulièrement. Elle a le don de nous transporter dans son univers, de donner à ses romans une atmosphère très particulière qui vous saisit dès les premiers mots. Une part de ciel ne déroge pas à la règle.
Lundi 3 décembre
On était à trois semaines avant Noël. J'étais arrivée au Val par le seul train possible, celui de onze heures. Tous les autres arrêts avaient été supprimés. Pour gagner quelques minutes au bout, m'avait-on dit.
C'était où, le bout ? C'était quoi ?
Ce questionnement résonnera tout au long de ce roman plein d'interrogations, de questions sans réponses.
Sous la forme d'un journal, du 3 décembre au 20 janvier, l'auteur nous donne à voir la vie au Val mais surtout le retour de Carole à l'invitation de son père, Curtil, au Val-des-Seuls dont elle dit "ce n'est pas l'endroit le plus beau ni le plus perdu, juste un bourg tranquille sur la route des pistes avec des chalets d'été qui ferment dès septembre."
Là, Carole retrouve son frère Philippe et sa jeune sœur Gaby ainsi que Jean, son premier amour. Tous installés dans l'attente, l'attente du père, habitué des grands départs, l'attente d'un accomplissement de soi, l'attente du mari, de la modernité, de lendemains meilleurs.
L'attente réunit tous les protagonistes, les éloigne, les rapproche, leur offre surtout le loisir de s'observer, de renouer des liens distendus.
Carole s'installe dans ce village qui a été le sien, travaille à une traduction d'un livre sur la vie de Cristo, cet artiste de l'éphémère qui habille pour mieux dévoiler, et renoue avec son enfance, marquée par l'incendie qui a ravagé leur chalet familial. Elle s'imprègne de cette atmosphère si particulière de la montagne et chasse ses démons en regardant vivre ceux auprès de qui elle a grandi mais qu'elle a fuis, un peu comme le père, toujours en partance.
Alors que le village se déchire sur la création d'une piste qui apportera la modernité aux yeux de certains, la perte de l'âme pour d'autres, les différents protagonistes se penchent sur leur propre vie, sur leurs propres chemins.
Je me suis vue dans le miroir. Ce n'était pas glorieux. J'ai ouvert grands les yeux. Je connais tous les détails de mon visage, parfois je cherche les liens avec ce que je suis dedans. J'ai approché encore, les cils au ras du reflet. J'ai cherché mon âme. Mon âme, ou quelque chose qui devait être là, quelque part.
Dans ce roman où la nature est incroyablement présente, Claudie Gallay nous emmène dans le cheminement de vie d'une famille désunie et pourtant profondément liée, et nous invite à saisir chaque instant.
Ce jour-là, j'ai compris que la mort existait vraiment et qu'il ne servait à rien de s'en plaindre, qu'il fallait simplement profiter de ce qui était donné.
Dans un style toujours sobre et efficace, Claudie Gallay montre une fois encore la portée de son talent et la grandeur du silence...
Il est faux de penser que tout s'en va avec le temps. Certaines choses restent, elles s'ancrent. D'autres passent.
Claudie Gallay, Une part de ciel, Actes Sud