Je suis en retard mais il n'est jamais trop tard n'est-ce pas pour partager les bons moments. J'étais dernièrement au musée Rodin pour une lecture par Charles Gonzales et Michael Lonsdale sur le thème de la naissance d'Eve.
Eve, la première femme créée d'après la Genèse dans une côte d'Adam ; Eve, celle qui transgressera les ordres et ira croquer le fruit de l'Arbre de la connaissance du bien et du mal (entre nous, qui aurait pu résister ?) et l'aura fait goûter à Adam, elle n'était pas égoïste ! Ce pêché de gourmandise aura tout de même des conséquences, Dieu chassera l'homme et la femme du jardin d'Eden pour qu'ils n'aient pas l'idée de cueillir le fruit de l'Arbre de vie qui les aurait rendus immortels. Eve sera condamnée à enfanter dans la douleur, à être soumise à son homme dont elle est également avide... (cela se passe de commentaires...) Adam sera quant à lui condamné à travailler pour se nourrir et à mourir. Voilà un résumé, un peu succinct je vous l'accorde, il faut lire la Genèse pour en savoir davantage.
C'est autour de ce thème et de La Naissance d'Eve sculptée par Rodin que se sont articulées les lectures poétiques de cette séance. Des extraits de la Genèse bien sûr, mais également des poèmes de Pierre Corneille, de Charles Péguy ou encore de Marceline Desbordes Valmore, Andrée Chédid ou Victor Hugo dont je vous mets ci-dessous "Le sacre de la femme", c'est le plus simple à trouver. Des textes de Rodin lui-même qui parle de la création de cette oeuvre.
L'Eve de Rodin était destinée à être le pendant d'Adam sur la Porte de l'Enfer, dans un projet de 1881. Rodin commença à sculpter une figure fémine mais cette oeuvre restera inachevée pour une raison que je prends pour un clin d'oeil de la femme : le modèle, enceinte dut arrêter de poser ! Sensible à cet (heureux) événement qui l'avait conduit à modifier son oeuvre sans d'abord comprendre pourquoi, le sculpteur la laissera finalement en l'état, sans grande finesse mais avec une pose aussi sensuelle que pudique.
Féminine, tout simplement ?
Victor HUGO - Le sacre de la femme - Ève
(IV)
Ève offrait au ciel bleu la sainte nudité ;
Ève blonde admirait l'aube, sa soeur vermeille.
Chair de la femme ! argile idéale ! ô merveille !
Pénétration sublime de l'esprit
Dans le limon que l'Être ineffable pétrit !
Matière où l'âme brille à travers son suaire !
Boue où l'on voit les doigts du divin statuaire !
Fange auguste appelant le baiser et le coeur,
Si sainte, qu'on ne sait, tant l'amour est vainqueur,
Tant l'âme est vers ce lit mystérieux poussée,
Si cette volupté n'est pas une pensée,
Et qu'on ne peut, à l'heure où les sens sont en feu,
Étreindre la beauté sans croire embrasser Dieu !
Ève laissait errer ses yeux sur la nature.
Et, sous les verts palmiers à la haute stature,
Autour d'Ève, au-dessus de sa tête, l'œillet
Semblait songer, le bleu lotus se recueillait,
Le frais myosotis se souvenait ; les roses
Cherchaient ses pieds avec leurs lèvres demi-closes ;
Un souffle fraternel sortait du lys vermeil ;
Comme si ce doux être eût été leur pareil,
Comme si de ces fleurs, ayant toutes une âme,
La plus belle s'était épanouie en femme.