La lune ne sera plus jamais verte pour Georges.
Vous avez suivi avec beaucoup de bienveillance les récits qu'il m'arrivait de faire de mes entretiens avec Georges, en commençant par ma rencontre avec ses mots terribles qui m'avaient bouleversée, nous en parlions ici, en décembre 2022.
Il y avait eu ensuite des évocations de nos lectures, et quelques autres billets peut-être, de loin en loin.
Vous savez que mon activité me conduit à côtoyer de grands seniors plus ou moins en forme, et que je leur apporte, par la culture, des moments aussi apaisants que possible.
J'ai eu la chance de faire un bout de route avec Georges, et nous avons parcouru ensemble des chemins de poésie.
J'étais à ses côtés jeudi encore, mais je sentais bien qu'il était de moins en moins là.
Je suis restée pour lui lire des poèmes, avec une préférence pour Prévert, merveilleux compagnon pour donner de la légèreté à des moments lourds.
Hier, en rangeant mes documents de travail, j'ai retrouvé un bloc que je n'avais pas utilisé depuis quelques mois et dans lequel j'étais parvenue à faire écrire Georges, il y a un peu plus d'un an.
J'oublie souvent ce que j'ai fait, tout à ce que je vais faire. J'étais émue de retrouver ces mots où nos écritures s'emmêlent. Je m'étais vite aperçue que, lorsque je tenais le stylo, cela incitait Georges à vouloir en faire autant ce qui m'a permis de le faire écrire assez longtemps. Malgré la maladie, vous noterez son orthographe et la tenue de ses phrases.
Dans mon téléphone, j'ai aussi de nombreux enregistrements dans lesquels se sont nos voix qui se mêlent. J'écoutais à l'instant une lecture à deux voix de Liberté d'Eluard, enregistré en mars dernier. Il a beaucoup lu jusqu’en janvier dernier.
Le bonheur du partage parvenait parfois à tenir la maladie à distance l'espace d'un instant.
Georges a pris aujourd'hui un chemin de traverse. Je pense à son épouse qui a tant donné jusqu'à l'épuisement.
Je vais continuer ma route en gardant en mémoire ces moments partagés, j'ai une malle aux trésors déjà bien remplie, des pépites laissées par quelques uns qui nous ont quittés. Je ne compte pas en rester là.