Jamais sans poésie, je vous le disais dernièrement.
La poésie est un vecteur formidable pour de jolis moments. Parfois pourtant, je reste sans voix devant la lucidité que peuvent provoquer quelques vers.
Une lucidité éclair mais si troublante.
Mon âme, il faut partir. Ma vigueur est passée,
Mon dernier jour est dessus l’horizon.
Je vous partagerai le poème complet, pour satisfaire notre curiosité littéraire, mais seuls ces deux vers ont retenu l’attention de Georges qui feuilletait mon anthologie sans s’arrêter vraiment, et en posant son regard sur certains poèmes que nous aimons lire ensemble, de la Mignonne de Ronsard à l’Albatros de Baudelaire en passant par Hugo, Gautier, Apollinaire ou Eluard, pour n’en citer que quelques uns.
Un titre entraîne parfois la récitation sans faute d’un vers, d’une strophe, plus rarement d’un poème complet. D’autres moment sont uniquement consacrés à la lecture et à la découverte de certains auteurs qui nous sont, à l’un comme à l’autre, moins familiers.
Ces deux vers sont extraits d’un poème de François Maynard (1582-1646), poète français membre de l’Académie française, secrétaire de Marguerite de Navarre que sincèrement je ne connais pas et sur lequel nous passions sans nous arrêter.
Mon âme, il faut partir. Ma vigueur est passée,
Mon dernier jour est dessus l'horizon.
Tu crains ta liberté. Quoi ! n'es-tu pas lassée
D'avoir souffert soixante ans de prison ?
Tes désordres sont grands ; tes vertus sont petites ;
Parmi tes maux on trouve peu de bien ;
Mais si le bon Jésus te donne ses mérites,
Espère tout et n'appréhende rien.
Mon âme, repens-toi d'avoir aimé le monde,
Et de mes yeux fais la source d'une onde
Qui touche de pitié le monarque des rois.
Que tu serais courageuse et ravie
Si j'avais soupiré, durant toute ma vie,
Dans le désert, sous l'ombre de la Croix !
Alors bien sûr, ma stupeur a été totale quand Georges a lu ces deux vers, s’est tourné vers moi, et m’a dit :
« - Ils ont été écrits pour moi ces vers.
- …
- Il faudra que j’en parle à mon Papa. Je vous ai dit que c’est lui qui m’a appris à aimer la poésie, quand j’étais petit juste après la guerre quand nous avons quitté Londres pour Paris… »
Et le vent a tourné la page et emporté la seconde de conscience, me laissant troublée mais heureuse d’enchaîner sur un autre poème… Sous le Pont Mirabeau… où coule toujours la Seine…
Mon âme, il faut partir. Ma vigueur est passée,
Mon dernier jour est dessus l’horizon.