Connaissez-vous Marie-Joséphine Vallet, autrement dit Jacqueline Marval, artiste peintre née près de Grenoble en 1866 et morte à Paris en 1932 ?
Je ne serais malheureusement pas surprise que vous soyez nombreux à me répondre, Jacqueline Marval, non jamais entendu ce nom ! Comme Chana Orloff, dont je vous parlais il y a peu et sur laquelle d'ailleurs il faudrait que je revienne pour vous montrer la très belle expo du Musée Zadkine, Jacqueline Marval fait partie de ces femmes artistes effacées de l'histoire de l'art. Ne cherchez pas, vous trouverez à peine leur nom dans certains livres, mais guère plus ! Je ne connaissais pas non plus un certain nombre d'entre elles, découvertes à l'occasion de la magnifique exposition Pionnières du Musée du Luxembourg.
Par chance, notre époque remet sur le devant de la scène ces femmes qui étaient non seulement connues mais qui avaient suffisamment de succès pour vivre de leur travail.
Fille d'instituteurs, Marie-Joséphine grandit à Grenoble, se marrie et à la mort de son premier et unique enfant, décide de tout quitter pour tenter sa chance à Paris.
Nous sommes en 1895. Un démarrage un peu difficile mais des rencontres, Flandrin, qui deviendra son compagnon, mais aussi Matisse, Marquet, Camoin, Picasso, Van Dongen, cette bohème du Montparnasse qui n'est, elle, pas tombée dans l'oubli. Marie-Joséphine Vallet devient Jacqueline Marval.
Elle ne peut pas intégrer les Beaux Arts, qu'importe, elle est autodidacte et apprend beaucoup de ses amis à qui elle ne se prive pas de donner quelques leçons.
Forte, sûre d'elle, elle se fait rapidement remarquer par Ambroise Vollard qui au Salon des Indépendants de 1901 lui achète dix toiles, dont l'Odalisque au guépard, autoportrait ci-dessous.
Sa carrière est lancée.
Une des plus remarquables artistes de ce temps
Jacqueline Marval ne se contente pas d'être talentueuse, elle est aussi audacieuse, elle n'hésite pas à se prendre pour modèle, même pour ses grands nus, ce qui ne manque pas de choquer !
Troisième marchand, Eugène Druet jouera à son tour un grand rôle dans la carrière de Jacqueline Marval.
L'artiste n'hésite pas à faire de grands formats, vous pouvez le voir sur les photos ci-dessous,
Après Vollard, Berthe Weill, s'intéresse à son travail. Jacqueline Marval rencontrera son public dans des expositions en France mais aussi en Europe, aux Etats-Unis et jusqu'au Japon.
Audacieuse, je vous le disais, ambitieuse et un brin provocatrice, rien ne l'arrête. En 1913, elle participe aux décors du foyer de la danse du nouveau théâtre des Champs Elysées, les architectes ne sont autres que les frères Perret (précurseurs en matière de béton), le maître d'œuvre des décors est Antoine Bourdelle, qui s'entoure de Maurice Denis, Vuillard ou encore Ker-Roussel.
Exubérante, prolifique, généreuse, Jacqueline Marval représente essentiellement des femmes et des enfants, de très nombreuses fleurs et son style ne cesse de changer, de s'affirmer. Certains verront dans quelques toiles une certaine similitude avec Marie Laurencin, elles se sont connues, Marie Laurencin qui est la plus jeune restera davantage dans les mémoires, que connaissons-nous d'elle ? son travail ou sa liaison avec Apollinaire ? A moins que ce ne soit grâce à Joe Dassin et son Eté indien ?
Trêve de plaisanterie, ma présentation est loin d'être exhaustive, j'espère qu'elle vous aura donné envie de découvrir davantage cette artiste d'une grande modernité, d'une grande liberté !
Vous pouvez voir quatre de ses œuvres à l'exposition Le Paris de la Modernité, il faudrait que je vous parle aussi de cette exposition là ! A Madrid aussi, à l'expositions Maestras du musée Thyssen.
Regardez, on n'est jamais à l'abri d'une belle rencontre !
Je dois dire un mot du Comité Jacqueline Marval à qui je dois d'avoir pu admirer toutes ces œuvres, dans le cadre d'une visite avec la Paris Art Déco Society. Le Comité, fondé par un marchand d'art et collectionneur, Raphaël Roux dit Buisson, qui en quarante ans a réuni la plus grande collection Jacqueline Marval, est aujourd'hui en charge de faire rayonner son œuvre et habilité à expertiser les toiles, nombreuses dans des collections privées éparpillées dans le monde entier.
Le croirez-vous, les prochaines expositions monographiques sont prévues à Stockholm et à Séoul...
Article un peu long, j'en conviens, mais pour découvrir une artiste de ce talent, je crois qu'il fallait vous mettre l'eau à la bouche ! N'hésitez par à suivre le lien vers le Comité Jacqueline Marval pour en apprendre encore davantage. Et pour les parisiens, il y a une conférence prévue au Petit Palais.