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Les musardises de ParisiAnne

Les musardises de ParisiAnne

Culture, littérature et découvertes. © Les musardises de ParisiAnne


Muriel Barbery, Une heure de ferveur

Publié par Parisianne sur 8 Octobre 2022, 09:00am

Catégories : #Lecture

Muriel Barbery, Une heure de ferveur

Nous retrouvons aujourd'hui Muriel Barbery, et nous partons encore au Japon, vous allez finir par penser que c'est encore une de mes marottes, ce qui ne serait pas totalement faux mais c'est aussi un concours de circonstances !

Je vous parlais dernièrement du premier volet Une rose seule, superbe roman sur la découverte d'un pays, à travers la quête de son père, pour une jeune femme meurtrie.

Nous avons ici un retour en arrière qui aura, semble-t-il perturbé certains critiques et lecteurs mais qui pour ma part ne m'a aucunement dérangée.

Un éventail ne dissipe pas le brouillard.

C'est l'histoire de Haru qui nous est contée ici. Jeune Japonais à la fois très attaché à sa terre natale, qu'il ne quittera jamais à l'exception d'un bref voyage en Europe, et en même temps très tourné vers le monde, et notamment l'occident, à travers ses nombreuses relations et quelques conquêtes.

Haru a eu une aventure avec une française énigmatique, il apprendra quelques mois plus tard, un peu par hasard, qu'il est la père d'une petite fille surnommée Rose. Mais pour des raisons que nous ignorons, Maud la maman, lui interdit de rencontrer sa fille, menaçant s'il n'obtempère pas, de mettre fin à ses jours. Reconnaissez que l'argument est violent !

[...] c'est tout à fait le Japon : un ciel au fond duquel se fanent des jardins.

C'est donc la vie de Haru qui nous est contée ici, la vie d'un père extrêmement attentif à son enfant qu'il ne connaît pas. Il a toutefois mandaté un photographe qui lui procure régulièrement des clichés de Rose, et donc par photo interposées, il la voit grandir, observe une enfant rieuse se muer en une adolescente renfermée et une adulte qui semble écorchée. 

Et c'est bien cette jeune femme meurtrie que l'on découvre dans une Rose seule.

Sa fille était la chair de son amour pour l'art, son incarnation réelle et sa raison vitale, la rédemption de sa déception et de sa trahison premières. De son rayonnement automnal, elle illuminait son cœur hivernal et s'il devait la chérir en silence, il saurait l'endurer - même les pauvres sont riches, dit-il à voix haute.

Muriel Barbery nous convie ici dans un univers d'hommes où le saké coule à flots, ou les affaires se traitent dans des lieux clos mais au sein duquel les femmes passent, actrices ou observatrices silencieuses. Pourtant, si elles peuvent paraître discrètes, elles jouent un rôle fondamental qui poussent les hommes, et Haru en particulier à s'interroger, à se dépasser.

[...] l'invisible n'est jamais caché [...]

Comme dans le précédent roman, la nature est omniprésente, les jardins des temples, les montagnes, l'eau, tout concourt à nous offrir un décor idéal pour l'apaisement des âmes torturées.

Comment un homme qui a bâti un empire, qui voit vieillir ses parents ou partir ses amis pourrait-il ne pas être troublé par l'existence d'une descendance qu'il ne connaîtra jamais, comment pourrait-il ne pas souffrir de vivre par clichés interposés la vie de sa petite fille qu'il voudrait serrer dans ses bras et pouvoir aimer, alors que ce rêve restera à jamais inaccessible ?

[...] il serra sa fille dans ses pensées comme il l'aurait fait dans ses bras [...]

Plus philosophique que le premier, peut-être, ce roman magnifique nous entraîne dans les profondeurs de l'âme sublimée par les merveilles de la nature.

L'écriture une fois encore très poétique sert à merveille les atermoiements du personnage principal qui parvient à consacrer sa vie à sa fille unique sans jamais pouvoir partager rien avec elle.

C'est simplement beau. Je vous invite à écouter la brève interview de l'auteur, ainsi que cette merveilleuse chanson Nature boy, qui est citée dans le roman et qu'on écouterait inlassablement !

-Qu'est-ce qu'un homme ? demanda le potier
- Tu vas me le dire.
- C'est d'abord une solitude.
- Précisément, dit Haru.
- C'est ensuite une chute et une naissance. Tu crois pouvoir naître seul ?
- Il me semble au contraire que je vais mourir, dit Haru.
- Tu ne comprends pas ? Toi qui rêves d'ailleurs, tu es si Japonais, nous croyons tout maîtriser et tout nous échappe. Ton obsession de la forme, c'est celle de la maîtrise. Mais au centre, il y a ce gouffre où nous sommes aveugles, à moins que nous acceptions de ne plus regarder et de laisser l'autre nous montrer qui nous sommes.

L'heure était douce. Le bois grinçait. Les esprits chuchotaient. La charpente du vieux bâtiment disait les heurs et malheurs du siècle écoulé, la pérennité de la culture, sa faculté de s'adapter sans mourir. Au-dehors c'était la galerie ouverte avec ses boutiques clinquantes, ses enseignes au néon, sa musique braillarde, son béton sale. Ici, on faisait coulisser des cloisons qui avaient connues trois ères impériales.

Muriel Barbery, Une heure de ferveur. Actes Sud

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B
Je n’ai lu que "l'élégance du hérisson" de cette écrivaine et ton billet me donne envie d’en lire un peu plus !
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M
J'avais apprécié de découvrir sa plume avec "l'élégance du hérisson" mais je n'ai plus rien lu d'elle depuis, je le reconnais. Il vaut mieux j'imagine commencer par le premier...Merci d'avoir partagé avec nous ton enthousiasme et ces extraits qui me donnent envie de découvrir ce roman
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M
Bonjour Anne,<br /> Le thème est très intéressant et ton article donne envie de lire le livre.<br /> La photo des ipomées est très belle.<br /> Bises.<br /> Bonne soirée,<br /> Mo
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E
Ah il faut absolument que je lise ce livre !<br /> Merci pour ton beau partage, Anne.<br /> Bon week-end.
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