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Les musardises de ParisiAnne

Les musardises de ParisiAnne

Culture, littérature et découvertes. © Les musardises de ParisiAnne


Antoine Choplin, trois textes à La Fosse aux ours

Publié par Parisianne sur 30 Septembre 2023, 17:00pm

Catégories : #Lecture

Vous aurez compris dans mon précédent post sur Partie italienne que j'ai aimé l'écriture sensible d'Antoine Choplin. Je me suis donc penchée sur ses autres publications pour approfondir ma découverte et ai pu dénicher chez les bouquinistes quelques textes assez anciens que j'évoquerai ici.

Si je ne fais qu'un post pour trois livres, ce n'est pas qu'ils ne mériteraient pas un article chacun, c'est essentiellement pour ne pas trop tarder à en parler et aussi pour laisser un peu de place à tous les autres livres ! 

Trois récits, de vie, de douleur, d'événements tragiques. Antoine Choplin mêle souvent l'art et l'Histoire, dans une association sensible bouleversante mais toujours très belle.

L'incendie, Antoine Choplin - Hubert Mingarelli

La Fosse aux ours - 2014

Antoine Choplin, trois textes à La Fosse aux ours

Regarder le monde comme il est, ce n'est pas si facile mais surtout, je me dis que c'est une occupation parmi toutes celles qu'on peut avoir. Je trouve que c'est bien aussi de regarder le monde comme il pourrait être, ou comme on voudrait qu'il soit. Et c'est bien aussi de ne rien regarder du tout.

Antoine Choplin - Hubert Mingarelli, L'Incendie

Ce roman très court, comme souvent chez Antoine Choplin, a pour fond la guerre en ex-Yougoslavie au début des années 90. Les deux protagonistes, l'un en Argentine, l'autre à Belgrade, renouent une correspondance après des années de silence. Leurs échanges vont les amener à évoquer un passé terriblement douloureux et à se découvrir.

C'est incroyablement fort, merveilleusement écrit.

Un ciel rempli d'oiseaux, Antoine Choplin

La Fosse aux ours - 2021

Antoine Choplin, trois textes à La Fosse aux ours

Derrière toi, je regarde les roulottes abandonnées d'après la traque, posées au milieu d'un paysage de neige. Les arbres nus, les oiseaux blancs en fuite à l'avant de l'horizon. Et la petite branche en bas à droite du tableau, avec laquelle tu signes toutes tes peintures.
C'était à Bergen-Belsen, on était assise toi et moi au milieu des morts. [...] C'est dans ces jours-là que t'as ramassé une petite branche d'arbre. [...] T'as commencé à la mâchonner [...] Il y a de la sève là-dedans [...] La sève était bonne et nous faisait du bien. [...] Des années plus tard, tu t'es souvenue de cette branche pleine de sève et tu as dit qu'elle t'avait sauvé la vie.

Antoine Choplin, Un ciel rempli d'oiseaux

Ce petit livre nous invite à faire connaissance avec Ceija Stojka (1933-2013) peintre et écrivain autrichienne d'origine rom, rescapée des camps d'extermination qui a beaucoup témoigné et s'est mis à la peinture à l'âge de 60 ans. Son travail de peinture a en grande partie été découvert après sa disparition. Bien que considérée longtemps comme analphabète, Ceija Stojka est la première femme rom à avoir témoigné de l'histoire concentrationnaire.

Antoine Choplin appuie ici son texte sur les œuvres picturales de l'artiste, et nous installe à ses côtés lors de la présentation de son travail exposé aux yeux d'un public mondain tellement éloigné de la réalité de son travail et de sa vie que le contraste n'en est que plus fort.

Par le jeu d'un dialogue silencieux entre l'artiste et son amie, et sœur de douleurs, présente dans l'assemblée, la tragédie des camps se dessine avec autant de violence que de poésie, de témoignages indispensable que de non-dits.

C'est très beau, très fort.

Tu dis que ce sont quelques unes des pages du grand livre ouvert tout au fond de toi, rien de plus. Tu dis que c'est pas toujours facile d'aller feuilleter les pages de ce livre et que beaucoup d'entre elles demeurent au secret. [...] Tu dis la chance que tu as eue de pouvoir chanter, écrire et peindre. [...] Tu dis voilà, tu n'es pas une oratrice. Après un court moment, avec un air espiègle, tu dis encore que le silence, c'est aussi de la poésie.

Une forêt d'arbres creux, Antoine Choplin

La Fosse aux Ours - 2015

Antoine Choplin, trois textes à La Fosse aux ours

Ce qui se fabrique ici, en pleine nuit, est d'une nature différente. Car il ne s'agit plus de répondre à la litanie des commandes obligatoires, plans, aménagements, embellissements, façades [...]. Il s'agirait plutôt, c'est ce qu'ils ont décidé, de dédier ce temps à la représentation de la réalité. Voilà ce dont il est question [...] : dessiner, peindre un peu la réalité de Terezin. Chacun librement, sans consigne d'aucune sorte.

Antoine Choplin Une forêt d'arbres creux

Voilà encore un sujet très sombre. Il semble qu'Antoine Choplin ait choisi la gravité pour la majorité de ses textes. Ce qui fait de Partie italienne, dont je vous ai parlé, le plus léger de tous malgré son lien avec l'Histoire.

Nous sommes ici dans le camp de Térezin en République Tchèque en 1941. Bedrich Fritta, caricaturiste, est arrivé avec sa famille, et se trouve affecté [quelle ironie ce mot, vous ne trouvez pas ?] au bureau de dessin où il travaille aux plans d'agrandissement, d'aménagement du camps avec d'autres dessinateurs. Ils finissent par former un groupe et se réunissent clandestinement pour dessiner librement et tenter de laisser une trace de la réalité du camp, au delà des apparences.

Rappelons que Terezin a été le camp de la mystification. La délégation internationale de la Croix-Rouge qui fait une visite des lieux n'y verra que du feu... les rues sont fleuries, le café est plein, les résidents réunis pour danser (et tomber comme des mouches mais ça personne ne le remarquera).

Mais cette visite annoncée fait naître un espoir parmi les artistes, celui de faire sortir quelques dessins pour alerter le monde... Peine perdue. 

Comme pour Un ciel remplit d'oiseaux, Antoine Choplin s'appuie ici sur des faits et des personnages réels. C'est incroyablement poignant, et encore tellement bien écrit.

Ce dernier texte m'a particulièrement touchée, pour avoir, il y a quelques années, fait pas mal de recherches et lu sur le camp de Terezin, ce camp où Eichaman est venu assister au concert donné par des musiciens juifs, le Requiem de Verdi.

Un auteur à découvrir assurément, j'ai noté quelques titres chez Manou, elle est aussi tombée sous le charme, alors n'hésitez pas !

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K
J'ai beaucoup aimé Une forêt d'arbres creux et aussi Le héron de Guernica Radeau et La nuit tombée...
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A
Une forêt d'arbres creux reste mon préféré.
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L
Idem, odieux ces capchas
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L
Je suis ignare, je ne connais pas cet auteur, ça me donne envie de le lire.
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M
C'est amusant car j'en ai lu trois autres mais pas ces trois-là !! Merci pour le clin d'oeil, il faut vraiment que je continue à le découvrir, je l'aime beaucoup...et en plus pour une fois j'ai de la chance, ma médiathèque en a certains titres que je n'ai pas encore lu.
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