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Les musardises de ParisiAnne

Les musardises de ParisiAnne

Culture, littérature et découvertes. © Les musardises de ParisiAnne


Marie de Lattre, La Promesse

Publié par Parisianne sur 6 Juillet 2023, 07:30am

Catégories : #Lecture

Sur un Plexis de Jacques Borker

Sur un Plexis de Jacques Borker

J'ai trois prénoms. Marie, Madeleine, Frida.
Un qui dissimule. Un qui protège. Un qui révèle.
[...]
Je ne suis Marie que parce qu'il y a eu Madeleine et Frida. Frida puis Madeleine. Madeleine avec Frida. Ces deux femmes sont les mères de mon père.
La biologique, Frida et l'adoptive, Madeleine.
Leur prénom m'ont été donnés dans un ordre inversé. Madeleine devant Frida. Celui qui protège en premier. Celui qui révèle, qui trahit les origines, ensuite.

Ainsi s'ouvre ce très beau récit d'une quête d'identité familiale.

Lorsque, pour ses treize ans, son père l'invite au restaurant en tête à tête pour lui avouer un secret bien gardé, la vie de la narratrice bascule vers un besoin de comprendre, de savoir et de connaître l'histoire des siens que l'on devine, dès les premiers mots, liée à la grande et tragique histoire de la Seconde Guerre Mondiale mais imprégnée du poids du silence, ce silence qui sauve autant qu'il écrase.

Son passé restait un secret. Et il m'y avait fait entrer, me l'avait offert. Un cadeau étrange, insaisissable.

Suite à cette révélation, l'auteure n'a de cesse de comprendre mais elle se heurte au mutisme de son père qui ne distille que ponctuellement quelques éléments ténus, donnant à ses enfants (Thomas et Marie, des jumeaux) un fil très mince pour remonter le temps.

A la mort de ce dernier, Marie hérite d'une enveloppe qui lui ouvre les portes de son histoire. Elle se lance dans une quête pour savoir et assimiler ainsi la réalité qui se cache derrière des années de silence.

S'ouvre alors à elle le récit tourmenté de sa famille marquée par les persécutions, depuis l'Ukraine en 1898, année de naissance de Kogan, le grand-père, jusqu'à au Convoi n°46 du 9 février 1943, parti de Drancy vers Auschwitz-Birkenau.

Et au cœur de ces drames, des histoires d'amour s'enlacent, un chassé-croisé qui aura au final pour seul objectif de sauver l'enfant.

Cette gêne que j'ai souvent à ne pas habiter mon présent, ce sentiment d'appartenir à un passé que je n'est pas vécu, mais qui me semble parfois aussi familier qu'aujourd'hui.

La sobriété de l'écriture rend ce récit poignant, on suit avec attention le cheminement de l'auteure qui au-delà du besoin de savoir, cherche à reconstruire sa propre histoire à travers celle de son père et de ses quatre parents afin d'offrir à ses propres filles leurs racines empruntes de tragédie mais toutes tournées vers l'avenir.

Alors que son père lui avait fait promettre de taire ses racines juives, Marie de Lattre dévoile son histoire familiale pour n'être enfin comme l'aurait dit Verlaine "ni tout à fait la même ni tout à fait une autre".

Il le peignit comme d'autres parents embrassent et cajolent. Le serra dans ses bras sans effusions mais en couleurs.
C'est un bien bel adieu.

Au-delà du drame de la Shoah, ce livre est une véritable quête d'identité pour une jeune femme d'aujourd'hui qui apprend soudain que son nom n'est pas le sien, qu'elle ne transmettra pas à ses filles le patronyme familial oublié pour sauver son père enfant de la barbarie.

La question de la transmission est centrale, et très riche. Peut-on grandir sans ombres lorsque l'on ne connaît pas son histoire ? Je présume que dès qu'un doute s'installe, le besoin de savoir s'impose.

Mais la seconde question qui se profile à la fin du récit, est également très forte. Et j'ai été très touchée par l'évocation du nom donné à la naissance des filles de l'auteur. Elles porteront le nom de leur père et exclusivement celui-là, pour que les deux patronymes si intimement liés par la force de l'amour dans la tragédie disparaissent ensemble et que les filles regardent vers l'avenir.

Un très beau livre écrit avec une grande et belle sincérité.

Il n'a pas été déporté. Ai-je droit à la parole ? Ma génération n'est même pas celle des survivants. Pourquoi souffrirais-je de la Shoah ?

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M
Bonjour Anne,<br /> Cet ouvrage est visiblement, par ta présentation, une œuvre très riche!<br /> Bises.<br /> Bon après-midi,<br /> Mo
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C
Merci Anne pour ce partage, je ne connais pas du tout.<br /> C'est vrai que l'été je lis moins.<br /> Belle soirée, gros bisous<br /> Lili
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M
Je le note car je n'ai jamais lu cet auteur, mais ce sera pour plus tard je lis moins durant l'été et ne présente que mes chroniques en retard et surtout je lis des choses plus légères, polars ou autres car avec les petits-enfants, la famille qui va et vient je ne peux pas me concentrer sur autre chose...Merci de nous le présenter. Bises
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M
Bonjour Anne,<br /> <br /> Un très beau roman, très émouvant. Mais je décline. Comme dans beaucoup de familles, certains des miens, entrés en résistance, se sont fait prendre et retrouvés en camp de concentration. Je t'avoue que je n'ai pas le cœur à lire tout ce qui touche à cette période de notre triste histoire. J'en connais beaucoup trop à mon goût. Mais c'était nécessaire pour ma culture personnelle. . <br /> Je recherche plutôt des lectures qui me permettent de m'évader de notre actualité plus que morose.<br /> Merci Anne pour ton excellent compte-rendu habituel. <br /> Gros bisous
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E
Encore unl ivre que j'ajoute à la ma liste de lecture, grâce à ta belle chronique qui exprime si bien combien ce récit est puissant et source de profonde réflexion.<br /> Merci Anne.
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