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Les musardises de ParisiAnne

Les musardises de ParisiAnne

Culture, littérature et découvertes. © Les musardises de ParisiAnne


André Pieyre de Mandiargues, La Marge - Goncourt 1967

Publié par Parisianne sur 1 Juillet 2020, 17:27pm

Catégories : #Goncourt

Une belle une bonne journée s’achève
Une journée descend vers la nuit
Comme un vieillard blanc qui a peur
Et de l’autre côté des eaux douces
Par-dessus les tours brunes de Chillon
Maintenant fleurissent les montagnes roses
En ventres en seins en chairs arrondies
Pincées d’un dernier soleil fragile.

Extrait de L'Age de la craie, Mélancolie 1961

André Pieyre de Mandiargues, né en 1909 et mort en 1991 à Paris, est un poète, romancier et dramaturge. Il est proche des surréalistes sans pour autant faire partie du groupe, c'est un homme moderne qui vit avec son époque "tout en étant imprégné de l'érotisme du XVIIIe siècle et du romantisme fantastique allemand", peut-on lire dans Goncourt, cent ans de littérature sous la direction de Dominique-Antoine Grisoni.

Vous trouverez au long de cet article son poème Mélancolie.

Les lions les glaives les vierges drapées
D’un petit ciel bas de printemps
Brillent au froid repos vermeil du lac
A peine ému par un soupçon de bise
Qui hâte aussi le plaisant roulis des femmes
Ombrelles déjà voiles peints écharpes claires
Souliers de toile et bavardages légers
Entre les peupliers siffleurs de la berge.

Mélancolie 1961

Dès 1934, il publie ses premiers poème, l'Age de la craie, qui sera suivi de plusieurs autres, notamment des poèmes en prose réunis dans un recueil Dans les années sordides.

Il alterne poèmes, récits, romans et pièces de théâtre ainsi que des traductions et des essais sur l'art.

Son roman La Motocyclette rencontrera un certain succès mais c'est avec La Marge qu'il obtiendra en 1967 le prix Goncourt.

J'ai la chance d'avoir La Marge dans ma petite collection grâce à eMmA que je remercie.

Alors la pâle mélancolie
Chienne aveugle errant aux catacombes
Ouvre sur toi son œil de chaux éteinte
La mélancolie aux bras de plomb fondu
Au sein de plumes et d’écailles caduques
Jette son flot dans l’antre de ton crâne vide
Qu’elle emplit comme un grand navire de fer
Sombrant au terme d’un trop sûr voyage.

Mélancolie 1961

André Pieyre de Mandiargues, La Marge - Goncourt 1967

Le 17 juin 1967, les lecteurs de la Gazette de Lausanne peuvent lire sous la plume de Henri-Charles Tauxe 

"Lire un texte de Mandiargues est un plaisir peu commun, comme ouvrir un fruit rare à la saveur déroutante et riche. [...] Une écriture se développe; ample et rigoureuse, prodigue et tenue, d'un classicisme où souffle continuellement un vent de surréalisme."

Pourtant, en novembre 1967, alors que Roland Dorgelès est président du jury, à la proclamation du prix, Hervé Bazin, qui siège au 9e couvert, n'hésite pas à faire polémique : "Nous venons de couronner un écrivain, déjà célèbre, pour le plus faible de ses livres".

Le plus simple est donc de se faire un avis soi-même ! Je n'ai malheureusement encore rien lu d'autre que La Marge, je m'y emploierai dès que possible.

Toutefois, pour celui-là, je vous disais en évoquant Force ennemie, que la lecture m'avait semblé difficile.

Quand de nouveau il se regarde dans le miroir, il n'a pas de peine à se reconnaître, malgré sa défiance, et même il se trouverait rajeuni par rapport à la précédente image. Depuis vingt-quatre heures, environ, qu'il est arrivé à Barcelone, il a parcouru pourtant un incalculable chemin sur l'espace où sa vie a licence de se déployer et de s'exercer, quoiqu'il se soit mis en sécurité provisoire dans une transparente bulle et qu'il ait posé une transparente tour sur la lettre où le sort de tout ce qu'il aime est écrit.

Sigismond se rend à Barcelone pour raisons professionnelles, laissant derrière lui son épouse et leur fils. Il y a une forme de tension dans ce départ et le narrateur ne cesse de réclamer en pensée une lettre de son épouse qui le rappellerait à elle, lui donnerait des nouvelles de leur univers.

Un courrier l'attend effectivement à Barcelone, non pas de la main de Sergine sa jeune épouse mais de Féline, la bonne d'enfant. Surpris, à l'ouverture de la lettre, par un instinct inexplicable, Sigismond ne commence pas par le début et lit "Elle a couru à la tour des vents. Elle a monté la spirale. Elle s'est jetée du haut. Elle a expiré tout de suite."

Sa lecture s'arrêtera là, et le roman démarrera comme une errance qui conduira le malheureux dans les bas-fonds de Barcelone.

Jusqu'où ne s'est-il égaré dans la grande ville que le soleil partage entre l'ombre et la plus intolérable blancheur pendant le jour, tandis que la nuit l'éclaire de lumières rouges pour la pauvre comédie jouée en tous lieux par les putes aux beaux yeux peintes et par les marins du mystérieux Altaïr ? Jusqu'où ne va-t-il pas s'égarer encore dans cette ville où il voit comme une figure immense qui serait celle de son père, le pédé Gédéon ?

Voilà Sigismond propulsé dans un drame intérieur, en marge de sa vie. De quartiers sombres en bars interlopes, il fréquente les putains et se laisse glisser dans une nuit hallucinée, n'osant lorsqu'il regagne son hôtel, reprendre la lecture de la lettre tragique pour en connaître toute la sordide teneur. Il laisse cette dernière posée sur une table, couverte d'une tour de verre qui semble la protéger comme une bulle qui la recouvrirait tout entière.

Le texte est violent, cru parfois, mais l'écriture n'en est pas moins élégante, ce qui rend le texte âpre, c'est surtout le sujet. L'errance de Sigismond est pesante, la chute n'en sera que plus brutale.

Crevée donc est la bulle ; explosée. De la paroi qui fut solide, élastique et douce, aucun lambeau ne demeure, et la chambre d'hôtel ouverte à tous les vents de particules et à toutes les tempêtes magnétiques ruées dans le glacial espace où les astres sévissent. Altaïr ! L'hôtel Tibidabo a rejoint le point d'origine des inquiétants émissaires qui se sont multipliés en tous lieux de la ville. Sigismond plane avec lui dans un malheur cosmique. Il ne ressent aucun étonnement, à la réflexion, car il sait sans avoir une connaissance exacte des faits il avait appréhendé le malheur dans sa totalité irrémédiable, et il se trouve grand d'avoir été capable de le placer pendant deux jours sur une voie de garage avant qu'il fît irruption dans sa conscience à l'heure de son choix.

Voilà encore un Goncourt qui ne fera pas l'unanimité bien que n'ayant pas eu de concurrents sérieux cette année là. Elise ou la vraie vie, de Claire Etcherelli, qui avait retenu l'attention de quelques jurés est laissé au Femina. Mais oui, il y a certains accords entre les différents prix !

Faut-il ou non lire La Marge ? uniquement si vous avez un moral de fer ! 

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B
J'ai lu lire un roman de cet auteur dans ma jeunesse. Mais c'est flou. Ou plutôt des poèmes. Il faudrait que j'y réfléchisse.
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