Le Turquetto, Metin Arditi
Ce chef d'oeuvre de Titien est exposé au Louvre. Vous l'avez peut-être déjà admiré ou simplement croisé dans la multitude des tableaux exposés. Croisé, c'est mon cas, je me souviens l'avoir vu sans pour autant avoir pris le temps nécessaire pour l'admirer. J'y retournerai, rien que pour lui, pour regarder de près et chercher, en vain, son secret. Pourquoi en vain, parce que je sais bien qu'il ne me dira rien et je crois que c'est ce qui me plaît !
Le Turquetto, ce roman de Metin Arditi, s'ouvre par une "Note au lecteur" qui débute ainsi "Il existe au musée du Louvre un portrait attribué à Titien, intitulé L'Homme au gant, qui présente une curiosité."... Rien de mieux pour piquer la mienne !
Suit un rapport : "Spectométrie de fluorescence par rayons X pour l'Homme au gant, Analyse d'une anomalie chromatique au coin inférieur droit".
Nous entrons alors dans le vif du sujet en faisant en bond en arrière.
Constantinople, septembre 1531. Elie, un jeune juif né en terre musulmane, regarde avec détachement son père s'affaiblir. Il est plus préoccupé par ses courses dans le Grand Bazar, l'observation, à la dérobée, des femmes présentées par les marchands d'esclaves mais surtout par ses dessins qui lui brûlent les doigts et attirent sur lui la colère d'un grand nombre.
Juif en terre musulmanne, la représentation de figures humaines est interdite par tous. Seul le pope l'encourage dans cette voie.
Lorsque son père meurt brutalement, Elie n'a qu'une issue : fuir la maison du marchand d'esclaves pour le compte duquel son père travaillait. Il s'embarque alors pour Venise et devient Ilias Troyanos, rapidement surnommé Le Turquetto. Son rêve se réalise enfin, travailler son art, apprendre et se former dans l'atelier du Maître, Titien, avant de prendre son indépendance.
Son talent le fait reconnaître par tous mais attire inévitablement les jalousies. Et voilà ce peintre rattrapé par son passé dans une Venise emprunte d'un catholicisme intransigeant et mauvais. Après avoir offert à l'une des congrégations de Venise une Cène magistrale qui trahit pourtant son judaïsme, Le Turquetto est traîné devant les tribunaux, condamné à mort et la totalité de son oeuvre vouée à disparaître dans un autodafé.
Seul L'Homme au gant, son dernier tableau, offert à Titien aurait échappé au désastre grâce à la supercherie du Maître.
Un véritable tableau chatoyant des couleurs de Constantinople puis de Venise se dessine alors sous nos yeux avec ses zones d'ombre et ses personnages plus ou moins lumineux.
Un roman très agréable à lire absolument pour qui aime les arts et l'histoire.