Avignon est écrasée de chaleur et de doutes. Le festival s'englue dans la grève menée par les intermittents, les uns se battent, les autres se résignent mais tous semblent insatisfaits. Au milieu de ce paysage chaotique, des destins se croisent pour mieux se briser.
Marie, une jeune fille perturbée par la mort de son frère vient dans l'unique but d'entendre jouer Nuit Rouge, la pièce que ce dernier a envoyée à Odon Schnadel, propriétaire du théâtre le Chien-Fou. Marie erre comme un fantôme et prends des photos. Elle sait que Paul a envoyé un autre texte, Anamorphose, dont il a attendu en vain un avis de publication. Par amour, Marie cherche la trace de ce frère disparu prématurément et se refuse à vivre.
Mathilde, surnommée La Jogar, est une actrice rendue célèbre par un texte qu'elle a écrit et joué. Elle revient dans sa ville natale. C'est la première fois depuis le début de son succès et sa fuite malgré l'amour passionné d'Odon qui n'a pas pu la retenir.
Odon offre au public la pièce de Selliès, un auteur inconnu pour un texte douloureux. C'est un pari presque plus dangereux que la roulette russe mais Odon ne reculerait pour rien au monde, comme s'il avait une dette envers Paul Selliès, et envers sa petite soeur Marie qui débarque avec toute sa souffrance.
Une journaliste attend Odon dans la loge. Lui aussi est soulagé. Le trac était un peu encombrant mais, dans l'ensemble, c'était bien.
- Vous avez l'air épuisé, dit la journaliste, on dirait que c'est vous qui avez joué.
Il ne répond pas. Il cherche une bouteille d'eau.
Elle lui demande les raisons de ce spectacle plutôt sombre. Ça le met tout de suite en colère, comme si le théâtre était fait pour enjoliver.
- Une vie humaine se résume à quatre petites choses, l'amour, la trahison, le désir et la mort. Nuit Rouge creuse dans tout cela.
- Il n'y a que cela, la vie, la mort, l'inévitable ! Et l'utopie, c'est qu'il reste à inventer pour tenter de s'en sortir. C'est pour ça que le personnage de Julie meurt, elle est incapable d'ouvrir d'autres portes.
La journaliste trouve quand même étonnant ce choix d'un auteur inconnu.
Il dit que Selliès est mort à vingt-cinq ans, quelques semaines seulement après avoir écrit ce texte et sans même avoir eu le temps de savoir qu'il avait été lu.
- Je ne l'ai jamais rencontré. J'ai reçu le manuscrit par la poste.
Il dit qu'écrire ne suffit pas. Il parle de cette difficulté de trouver le souffle d'un texte, cette chose essentielle qui fait qu'il ne sera pas seulement joué mais porté, transcendé. La littérature est plus qu'une succession de mots.
Dans une atmosphère suffocante, Claudie Gallay fait vivre ses personnages grâce à son style sec, sans fioritures. C'est dense et rapide, violent et tendre, on se laisse prendre.
L'intrigue se noue au fil des pages comme se nouent les destins de chacun, c'est douloureux et l'on se rend compte que rien n'arrive par hasard.
Un très beau roman différent mais tout aussi fort.
L'amour est une île. Quand on part, on ne revient pas.
[…]
La passion est un fruit à croissance rapide, il retombe vite et ... pourrit