Le Pilon, Paul Desalmand
Voilà encore une découverte, je la dois cette fois à Jérôme Callais, bouquiniste du quai de Conti à Paris et président de l'association culturelle des bouquinistes de Paris. Fidèle des quais et des bouquinistes, nous avons souvent avec Jérôme et quelques autres des échanges riches et variés tournant bien sûr autour des livres ! Vous n'êtes pas surpris ? Mince alors, moi qui croyais vous dévoiler un scoop !
Trêve de plaisanterie, Jérôme à parlé récemment en tant que libraire dans la Grande Librairie, d'un livre dont je n'avais jamais entendu le nom de l'auteur. Sauf que ce livre, on ne le trouvait pas ! Rassurez-vous, il a été réédité chez Quidam Editeur. Mais en passant sur les quais dernièrement, je me suis arrêtée aux boîtes de Jérôme et en suis repartie Le pilon sous le bras !
Quoiqu'il puisse m'arriver, j'estime ma vie réussie parce que j'ai été lu.
Vous pourriez croire avec cette première citation que c'est un auteur qui parle, et bien non, c'est le livre lui-même.
Ce livre est l'histoire d'un livre racontée par un livre ! Vous suivez ? L'idée est très originale, le sujet très riche. Quel chemin le livre que vous tenez aujourd'hui en main a t-il parcouru avant de vous rejoindre ? Depuis sa sortie de l'imprimerie jusqu'à sa fin, qu'il soit oublié sur une étagère, passé au pilon ou détruit d'une autre manière, quel peut bien être la vie d'un livre ?
Avant d'évoquer ce parcours du livre, parlons rapidement de ce pilon qui est la terreur des ouvrages, l'ogre mangeur de livres. Vous avez peut-être lu le Liseur du 6h27 de Jean-Paul Didierlaurent qui évoquait déjà ce monstre effroyable.
La définition du Syndicat national de l'édition est la suivante :
"Le pilon est la destruction totale ou partielle, des exemplaires d’un ouvrage. Il est réalisé à la demande de l’éditeur et assorti d’un certificat" Si le sujet vous intéresse, vous pouvez lire la fiche complète en suivant le lien ici. Il suffit de charger la page, c'est très simple et très clair.
Vous comprenez donc que ce pilon puisse être terrifiant ! Et c'est lui qui plane sur tout le livre qui nous occupe.
Qui mieux que le livre, peut établir de tels liens entre les hommes, entre les continents ? Et puis, pour rompre avec la sinistrose ambiante, ne serait-il pas bon de dire un peu plus ce rôle de l'écrivain, du livre, qui est tout simplement, d'apporter du bonheur ?
Et bien c'est exactement le cas de ce Pilon de Paul Desalmand, il apporte le bonheur !
Par ses observations - petits travers des acheteurs qui parcourent le premier livre de la pile et prennent celui du dessous par ce que le premier aura été manipulé par trop de mains, petites manies des lecteurs qui blessent le livre en cornant une page, cassent le dos pour un confort de lecture, arrachent une page (sacrilège !) ou écrivent, soulignent, prennent des notes, etc. - l'auteur nous fait sourire parce qu'il faut le reconnaître, on se retrouve vraiment dans ses lignes.
Le rêve : quand le ou la libraire fait notre éloge, introduit de l'humanité dans le commerce. Le livre n'est pas un produit comme un autre, on l'a dit et répété, mais la librairie non plus n'est pas un commerce comme un autre, du moins celle digne de ce nom.
Les librairies et les libraires sont bien sûr très présents dans ce récit de la vie d'un livre, comment pourrait-il en être autrement ! Leur rôle est primordial dans le conseil, l'accueil, le partage. Les bibliothécaires ne sont pas en reste, rassurez-vous !
Et les lecteurs ! Ces êtres passionnés, souvent passionnants qui se plongent dans des univers réels ou imaginés pour s'extraire au monde.
Quand il lit, de préférence des romans, il a le sentiment que des caractères alignés sortent d'innombrables petites mains, des petits bras, qui viennent l'agripper pour l'extraire du quotidien et l'absorber dans les problèmes de ses personnages au point de lui faire complètement oublier les siens.
[...]
Il ne vit pas seulement au milieu d'un amoncellement de livres parmi lesquels il s'y retrouve parfaitement, je ne sais trop comment. Il est habité par des milliers de livres qui, au fil des ans, sont venus se ranger dans son cerveau. Il ne lit pas les livres, il les vit.
Alors voilà, tout lecteur, tout amateur de livre se retrouvera dans ces pages, tendres, drôles, cruelles parfois, mais au-delà de cet aspect, l'originalité que j'évoquais au début, vient bien de ce que c'est ici un livre qui parle à la première personne. Sans qu'il soit fait mention de son titre, ni de son auteur, à nous peut-être de l'associer à un de nos ouvrages, le livre raconte, se raconte non par son contenu mais par ses expériences, les mains qui l'ont tenu, les yeux qui l'ont lu, les étagères qui l'ont abrité en lui offrant de côtoyer ses "frères de papier".
Avez-vous seulement déjà imaginé que lorsque vous êtes absent, vos livres puissent se parler, confier leur histoire, les anecdotes qui ont fait leur parcours avant de les mener à vous. J'aimerais beaucoup les entendre puisque beaucoup de mes livres viennent de bouquinistes, et ont eu donc une vie avant de partager la mienne !
Je pourrais vous en dire encore et encore mais il me faut surtout vous conseiller ce livre drôle et très vivant, à mettre entre les mains de tous les amoureux des livres ! Et pour ma part, je ne peux que remercier Jérôme Callais de m’avoir menée vers ce titre.
Je n'écris pas un roman mais seulement un témoignage sur les principaux événements de ma vie.
Jérôme, bouquiniste parisien depuis 31 ans, nous parle de l'amour de son métier
"La liberté, c'est mon premier salaire". Jérôme Callais, ex-musicien classique, est bouquiniste sur le quai de Conti, à Paris. Il nous raconte sa passion pour la lecture, son cadre de travail ...
Une maison sans livres est une âme morte.
Et là, il faut que je vous raconte une petite anecdote. Il y a quelques années, nous fêtions l'anniversaire d'un ami, qui célébrait avec un autre de ses amis chez qui nous étions reçus dans un appartement très moderne, au mobilier très dépouillé et pour tout dire très froid dans lequel [et pourtant j'aime le moderne] je ne me sentais pas à l'aise. Et j'ai brutalement compris pourquoi. Il y avait bien des étagères avec quelques objets très élégants, des tableaux très abstraits mais il n'y avait pas l'ombre d'un livre. Absolument pas une étagère pour un livre dans la pièce principale ni ailleurs... impensable !