Le Journal intime d'un arbre, Didier van Cauwelaert
Encore van Cauwelaert me direz-vous ! Effectivement, c'est un hasard mais j'avais très envie de découvrir ce livre au titre enchanteur.
Comme l'indique le titre, le narrateur de ce roman est un arbre. Un très vieux poirier prénommé Tristan qu'une violente tempête met à terre alors qu'il est sur le point d'être inscrit à la liste des Arbres remarquables. Aux côtés d'un autre poirier baptisé Isolde, Tristan traverse les époques et se trouve être le témoin d'autant de bonheurs que de drames. Sa chute lui fait prendre la parole pour évoquer ses rapports avec les hommes de toutes les époques vécues.
"Un arbre n'a d'autres sentiments que ceux qu'on lui confie. D'autres émotions que celles qu'il perçoit. D'autres angoisses que la prémonition des tempêtes, des incendies, de la sécheresse et des bûcherons. Mais cette angoisse là, commune avec les animaux, n'a pas la même origine que la vôtre. Ce n'est pas la perte de nous-mêmes qui nous obsède, c'est la rupture d'une harmonie. L'arrêt des échanges avec les oiseaux, les insectes, les champignons, les jardiniers, les poètes ; la fin des interactions qui nous lient au soleil, à la lune, au vent, à la pluie, aux lois qui gouvernent la formation d'un paysage […]. Il y a chez un arbre qui meurt le souci de ce qui le remplacera. Le besoin que soient assurées ses fonctions, que soit comblé le vide qu'il laisse. C'est tout."
L'arbre prend la parole, à la première personne il raconte ses rencontres historiques (Dreyfus, Mercier) ou non, et son présent d'arbre mort transformé en bois à brûler mais aussi en sculpture par une jeune adolescente perturbée qui deviendra une artiste de renom. C'est à travers la première sculpture de celle qui se fera appeler Tristanne qu'il raconte le plus, la lutte contre la déforestation, les rapports entre les hommes, et les hommes, et les femmes, et l'histoire, et la vie...
Avec l'originalité qu'on lui connaît, Didier van Cauwelaert nous entraîne dans les pensées d'un arbre tantôt avec sérieux, tantôt avec exagération et fantaisie mais toujours avec un style vivant pour nous mener au bout de ce roman malgré les quelques longueurs et peut-être une certaine complaisance à l'égard de sujets bien ancrés dans l'air du temps.
"Les hommes ne savent pas nous entendre, parce qu'ils ne savent plus regarder les images que nous leur envoyons.
[…] les humains ont tendance à devenir des machines qui pensent mais n'imaginent plus."
N'oublions jamais de tendre l'oreille aux secrets de nos arbres, ils ont tant à nous apprendre !