Il ne s'agit pas là d'un roman mais d'une histoire d'amour, les sentiments peuvent être très purs, très égoïstes aussi, sans concessions parfois, souvent passionnés : il s'agit de l'amour des livres, c'est un amour très exclusif pour certains même s'il ouvre les portes de tous les mondes.
Jacques Bonnet est éditeur et traducteur.
J'ai de nombreuses fois touché et regardé ce petit livre en bonne place près de la caisse, dans une librairie où je me rends régulièrement, la Librairie Tschann sur le boulevard Montparnasse. Le titre et la couverture représentant la Bibliothèque hommage à Georges Pérec m'attiraient beaucoup mais comme j'avais souvent les bras déjà chargés de livres, je reposais cet ouvrage en résistant à la tentation... j'ai fini par craquer, et je ne regrette rien.
Ce petit traîté sur l'art de vivre avec les livres est plaisant et intéressant, riche de citations diverses, de références à de nombreux ouvrages, et de l'évocation de petites manies des bibliophiles.
"Après le plaisir de posséder des livres, il n'y en a guère de plus doux que d'en parler" écrit Charles Nodier cité par l'auteur en épigraphe.
Il est donc question ici de livres en tant qu'objets mais également en tant que compagnons, il est aussi question des personnages qui habitent ces livres et s'invitent parfois dans la vie des lecteurs. Un petit ouvrage pour les amoureux du papier.
Quelques citations piochées au hasard, pour le simple plaisir des mots :
" […] le désir d'appliquer la définition de Borges ("Le Paradis est une bibliothèque") ou de Bachelard ("... le paradis n'est-il pas une immense bibliothèque ?") en l'inversant par prudence agnostique : la bibliothèque est ce qui se rapproche le plus du paradis terrestre."
"Le terme générique de bibliomanie recouvre des réalités fort différentes. On peut les répartir en deux genres principaux : les collectionneurs et les lecteurs acharnés.
... La collectionnite peut facilement devenir accumulatrice.
... le bibliomanne lecteur veut garder l'objet, le tenir à sa disposition."
"Le livre est la matérialisation précieuse d'une émotion, ou une chance d'en avoir une un jour, et s'en séparer ferait courir le risque d'un grave manque."
"... vivre à quelques centaines de kilomètres de ses livres demande toute une organisation matérielle et... mentale."
Il est également question de l'art du classement et du rangement des ouvrages afin de les retrouver aisément, ce n'est pas toujours simple, c'est vrai, mais j'ai souri à ce règlement d'une bibliothèque anglaise de 1863 : "La parfaite maîtresse de maison veillera à ce que les oeuvres des auteurs hommes et femmes soient décemment dissociées et placées sur des rayons séparés. Leur proximité sauf à être mariés ne pouvant être tolérée."
Venons-en aux pratiques de lecture, et commençons par cette citation de Diogène, "Avoir des livres sans les lire c'est avoir des fruits en peinture."
Il est dans ces chapitres question de ces livres que l'on croise sans adhérer, de ceux qui nous échappent à un moment donné et nous séduisent plus tard, ou à l'inverse, de ceux que l'on a aimés à une certaine période et qui nous décoivent en deuxième lecture. Chacun est à même de faire part de sa propre expérience. Vient ensuite la façon de lire, en lecture rapide, approfondie, en parsemant les ouvrages d'apostilles laissées au fil des pages, en soulignant certains passages, chaque lecteur aura, là encore, sa façon de procéder mais ce n'est pas déplaisant de constater parfois que nos petites manies trouvent leur écho chez d'autres !
Voilà, vous l'aurez compris, un petit ouvrage sympathique que je conseille aux vrais amoureux des livres.