Cheyenne, Didier van Cauwelaert
Chose promise...
La référence à Cheyenne a été donnée lors de précédents échanges sur les livres de Didier van Cauwelaert. Je l'avais lu il y a très longtemps, j'en gardais un excellent souvenir mais un peu flou. Je l'ai donc relu pour ceux qui m'avaient interrogée à propos de ce livre.
A l'occasion d'un voyage spontané à la réception d'une carte postale d'une écluse dans le port d'Amsterdam, le narrateur, écrivain renommé, part à la recherche de son histoire sans suite avec Cheyenne, jeune femme fragile rencontrée dans son enfance.
Le narrateur a 11 ans, il est envoyé en Ecosse pour les vacances alors que son papa doit subir une intervention délicate de la hanche. Le jeune garçon, écrivain en herbe, est fermement décidé à mettre à profit ce voyage pour faire une halte à Paris afin de faire éditer son dernier roman à compte d'auteur.
Pris en charge par une hôtesse, il tombe immédiatement sous le charme de cette dernière et, convaincu de ses chances, manoeuvre pour rester avec la jeune femme. En dépit de toutes les consignes strictes concernant les passagers mineurs, Cheyenne, hôtesse décalée, se charge de l'enfant en attendant de pouvoir le mettre dans un prochain avion.
C'est ainsi que débute une relation en pointillés entre deux êtres que tout oppose et qui pourtant s'attirent sans jamais se trouver.
" C'est tellement ridicule un coup de foudre quand ça résonne dans le vide."
Tout au long du trajet en Fiat 500, souvenir de la voiture de l'hôtesse à l'époque de leur première rencontre, le narrateur devenu un homme se remémore leur histoire, leurs ratés avec le sentiment d'être passé à côté de quelque chose.
"Les moments gâchés le sont toujours d'avance."
Cette plongée dans les souvenirs tantôt drôle, souvent tendre ou douloureuse, montre les destins croisés de ces deux êtres profondément ancrés l'un à l'autre, mais en décalage perpétuel.
"Le problème est là, Cheyenne, tout bêtement, même si je tourne autour : je ne supporte pas que tu te sois effacée avec le temps ; c'est une défaite, une humiliation, une faute que je ne me pardonne pas. J'ai perdu tes traits, je suis incapable de t'écrire autrement qu'en t'enfermant dans tes mots, dans nos gestes et mon désir. T'aurais-je mieux conservée si j'avais eu une photo de toi ? Un aide-mémoire, pour oublier, c'est encore plus efficace.
Tu veux la vérité ? Je ne me suis pas aimé avec toi. Ni à onze ans, ni dans le plaisir, ni dans notre déclin mutuel, le dernier jour, devant ces trains en gare. Je n'ai jamais triché avec toi, pourtant je n'ai jamais été moi-même. Déformé par le drame, le désespoir ou la satisfaction, tu crois me connaître mais si tu as eu le vrai, à chaque fois, tu n'as pas eu le bon. Celui dont tu avais besoin. Peut-être en est-il de même pour moi ; on ne s'est jamais connus quand il fallait."
Ce livre construit sous l'apparence d'une autobiographie "Est-ce bien un livre sur elle ? L'amour est un alibi, la mémoire n'est qu'un retour sur soi." est d'une lecture aisée et dresse un joli portrait d'une femme malmenée par la vie qu'elle a choisi.