Pourquoi, pour changer, il faut toujours mourir un peu en dedans. Pourquoi une nouvelle chose demande toujours d’en laisser une autre.
Encore une découverte ! Ce livre que j'avais très envie de lire, pour faire connaissance avec le style de cette auteure que je ne connaissais pas, était sous le sapin avec quelques autres. Si tôt ouvert, en bonne gourmande qui se respecte, je me suis plongée dans sa lecture avec un certain plaisir mais sans toutefois être complètement enthousiaste.
Alex, musicienne, compositrice de musiques de films, s'exile en Bretagne avec dans l'idée de se réinventer après quelques déboires sentimentaux. Ses amis parisiens, Margot et Jacques, restent à Paris ce qui nous permet de mettre en comparaison le gouffre qui sépare dorénavant les anciens inséparables. La frénésie parisienne ne fait pas le poids en écho au silence de la mer, d'autant moins qu'il y a dans cette frénésie un côté enfants gâtés capricieux un tantinet agaçant ! Les atermoiements des trois principaux protagonistes, ayant tous largement dépassé la quarantaine, ne m'ont pas toujours convaincue.
Elle voudrait pouvoir oublier tout ce qu’elle connaît, ce qu’elle a écouté, ce qu’elle sait faire, simplement se mettre au piano et voir ce qui sort.
Le sentiment de liberté éprouvé par Alex, son besoin de recul mettent en avant les rêves déçus, et j'ai aimé son cheminement intérieur finement analysé.
L'arrivée de la pandémie et le premier confinement entrent en résonnance avec son besoin de solitude mais la comparaison avec son amie Margot incapable de se retrouver face à elle-même est également intéressante.
Créer dans une ville, c’est le faire en résonance avec ce qu’on voit, ce qu’on entend, ce qu’on lit. Créer seul au milieu de nulle part, c’est aller chercher ce qui se passe en dedans. Elle ne veut plus être en résonance avec l’extérieur, elle veut savoir ce qu’elle a à l’intérieur.
A l'exception d'une conversation téléphonique, aucun dialogue, l'articulation du texte alterne les chapitres bretons montrant Alex dans sa nouvelle vie, ses préoccupations matérielles - comment chauffer une maison non isolée mais très isolée du monde, comment faire ses courses sans voiture alors qu'il n'y a rien à proximité, et surtout, comment occuper le vide d'une vie qui fut trépidante - et existentielles - ses erreurs, ses faux-pas - et ceux intitulés "pendant ce temps à Paris" ou tout semble superficiel.
En parallèle, un personnage se dessine à travers des chapitres nommés "Interlude", un jeune homme cabossé par la vie qui cherche également à se reconstruire, et pour qui l'isolement est un besoin.
Il marchait et il se demandait pourquoi tout le monde n’est pas enfin d’accord qu’on allait beaucoup mieux quand on en savait bien moins sur les autres. Être exposé à ce point aux goûts et aux points de vue des voisins fait les haïr et ensuite cette haine structure tout ce qu’on pense.
Le style sans fioritures correspond parfaitement à l'analyse des personnages. Je ne saurais toutefois dire ce qui m'a manqué dans ce beau roman récompensé par le Prix Renaudot 2023. A moins qu'il ne m'ait paru trop proche de la réalité dans ses critiques des réseaux sociaux, de la superficialité de nos vies.
Un beau texte mais qui me laisse un peu sur ma faim malgré quelques belles analyses.
L'avez-vous lu ? Qu'en avez-vous pensé ?
Ann Scott, Les insolents chez Calmann Lévy Prix Renaudot 2023