Ariane Bois, Ce pays que l'on appelle vivre
A l'occasion d'une rencontre Babelio Plon, j'ai eu le plaisir de découvrir Ariane Bois, journaliste et romancière que je ne connaissais pas, au cours d'un échange très sympathique.
Ce Pays qu'on appelle vivre a pour cadre le camps des Milles, ce camp, situé en zone libre, non loin d’Aix en Provence, dont on parle finalement assez peu, dans lequel ont été envoyés les Allemands et étrangers ayant fui le régime nazi, juifs, tziganes, engagés dans les combats politiques contre le fascisme, tous les condamnés de la barbarie.
Beaucoup d'artistes, considérés comme dégénérés sont venus se réfugier en zone libre, certains ont pu quitter la France pour les Etats-Unis ou d'autres pays outre-mer qui, pendant un temps, ouvraient leurs frontières.
D'autres, connus ou inconnus, ont été livrés comme beaucoup d'anonymes, hommes, femmes et enfants, à l'enfer des camps.
Le camp avale les hommes, en commençant par leur esprit, et recrache des êtres brisés, à la limite de la folie.
Ariane Bois fait du camp un personnage à part entière de son roman, c'est en grande partie là que se déroule l'action sur fond de noirceur malgré le rouge des tuiles fabriquées sur place avant guerre ; par opposition, Marseille, non loin, joue le rôle de la lumière, de l'espoir, puisque les prisonniers sont parfois autorisés à s'y rendre pour tenter d'obtenir un visa vers un avenir meilleur, et c'est à Marseille que le principal protagoniste Léo, rencontrera Margot, son soleil, son grand amour.
Mais c'est également à Marseille que sont retenues les femmes et les enfants, pour lesquels Margot se bat, afin de leur procurer le minimum de confort dans des foyers de fortune, hôtels ou immeubles réquisitionnés. Séparées de leurs époux et vivant dans des conditions difficiles, elles sont la garantie que les hommes ne chercheront pas à fuir.
Les hommes eux, sont donc aux Milles, ce camp de transit qui reçoit les ennemis du Reich en attente d'un départ. Vous aurez peut-être en mémoire l'épisode du train des Milles, mis sur le devant de la scène par un film avec Jean-Pierre Marielle, je vous mets un cours extrait.
Comme dans de nombreux camps, certains acteurs de ce terrible épisode (gardiens pasteurs, curés ou simples civils), se sont battus au péril de leur vie pour sauver ces hommes, ces femmes et ces enfants livrés en masse à l'Allemagne nazie en 1942. On dénombre plusieurs Justes, certains cités par Ariane Bois dans son roman.
[...] toutes les silhouettes se ressemblent, comme s'il s'agissait du même homme multiplié à l'infini. Le camp détruit ainsi toute individualité, toute velléité de se démarquer des autres. On fait partie d'un troupeau, celui des internés.
Le parti pris de l'auteur d'écrire un roman, et la fluidité de son écriture, rendent la lecture aisée, et si quelques invraisemblances - mais n'est-ce pas là tout le charme du roman ? - ponctuent le texte, elles n'enlèvent rien à l'intérêt historique. Ariane Bois maîtrise parfaitement son sujet, elle mêle habilement fiction et réalité pour nous dépeindre des situations dramatiques, de vains espoirs, et la force de l'art pour tenir face à l'horreur.
Léonard Stein, caricaturiste de presse juif allemand n'a de cesse de s'échapper, et devant son impossibilité de fuir, il s'évade par ses dessins.
L'auteure qui connaît manifestement bien les lieux, évoque la fresque Le Banquet des Nations, dans le réfectoire des gardiens, une partie est l'œuvre du peintre Karl Bodek, qui sera déporté des Milles et mourra à Auschwitz.
Les rapports entre ces hommes certains combattifs d'autres résignés, la difficulté de leur vie difficile mais oisive, est terriblement bien présentée, nous rendant certains protagonistes attachants, d'autres méprisants.
Vous l'aurez compris, un texte riche d'informations qui donne véritablement envie d'approfondir le sujet.
Je vous invite à suivre le lien ci-dessous vers le site du Camp des Milles.
La réputation de Varian Fry s'est vite étendue. Ce journaliste de gauche avait été missionné dès l'été 40 par l'American Emergency Comittee pour permettre à des intellectuels, des écrivains, des artistes en danger dans le sud de la France de rallier les Etats-Unis grâce à un visa d'urgence. Eleanor Roosevelt elle-même, la femme du Président, courageuse dans sa lutte contre le racisme et le fascisme, militante des droits des noirs et des droits des femmes, l'aide dans ses démarches.
Varian Fry a déjà secouru l'écrivain André Breton, le peintre André Masson, Konrad Heiden, le biographe de Hitler, dont le dictateur veut la peau, le prix Nobel de physiologie Otto Meyerhof, et l'immense Marc Chagall, ou encore Hannah Arendt. De manière légale lais aussi clandestine...
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1940 - Je suis Varian Fry - journaliste et humaniste - de New-York à Marseille
"C'est 1940. Je m'appelle Varian Fry. Je suis journaliste, j'habite et je travaille à New York. La défaite de la France m'a bouleversé. L'armistice Petain-Hitler est signé, l'article 19 prévoi...
Un autre personnage, bien réel celui-là aussi, apparaît dans le roman d'Ariane Bois, il s'agit de Varian Fry, ce journaliste américain qui en 1935 à Berlin, est témoin de la maltraitance d'un vieil homme juif roué de coups dans la rue. Outré il tente dès son retour d'alerter les puissances étrangères et l'opinion publique sur les dangers imminents que représente Hitler. Il aura du mal à se faire entendre mais finira par arriver en France avec une liste de nom de personnalités à sauver.
Très honnêtement, j'ai découvert il y a peu l'existence de Varian Fry à l'occasion d'une conférence à la Fondation Giacometti sur les artistes de Montparnasse dans les années 1940. L'homme m'a immédiatement intéressée. Et j'ai fait quelques recherches. Il y a plusieurs livres, je n'ai pas encore trouvé celui qui pourrait m'éclairer, mais vous pouvez visualiser sans peine quelques vidéos sur le net, notamment une visite virtuelle de la Villa Bel Air, qui a abrité André Breton, son épouse et sa fille, ainsi que Max Ernst, entre autres.
Varian Fry dont le Centre Américain deSsecours de Marseille dérange les autorités françaises et inquiète les autorités américaines sera renvoyé aux Etats-Unis. Il n'aura de cesse d'interpeller le monde pour tenter de sauver les hommes de la barbarie.
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Site-Mémorial du Camp des Milles - Aix-en-Provence : un mémorial pour l'avenir
Le Site-mémorial sera fermé le 25 janvier. 2023Nous vous remercions pour votre compréhension. NOS RENDEZ-VOUS CULTURELS PREMIÈRE : à l'occasion de la Journée internationale en mémoire des vi...
Que dire de plus ? Il y aurait beaucoup de choses à évoquer encore. Le rôle des femmes, leur combativité, leur force, la bonté des uns face à la cruauté des autres, des thèmes qui restent tristement d'actualité en somme. J'aurais également pu vous raconter un peu l'histoire entre Léo et Margot, leur lutte commune pour la liberté et les enfants mais est-ce bien utile de vous raconter ?
Alors, il me reste simplement à vous inviter à lire ce beau roman plein d'humanité, ce roman riche d'enseignements sur un pan très sombre de notre histoire, pour ne jamais oublier.
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Ce pays qu'on appelle vivre | Ariane Bois | Plon
Alors qu'il nous semble tout connaître de cette seconde guerre mondiale, nous découvrons encore et toujours des choses non dites, des lieux mal connus...Et C'est avec beaucoup d'attention à cet ...
https://www.lisez.com/livre-grand-format/ce-pays-quon-appelle-vivre/9782259311151